pdf akklésia Sola Fide couv
Lev Chestov

1911-1914

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Léon Chestov écrivit cet ouvrage entre 1911 et 1914, en Suisse, et la Faculté de Théologie Protestante de l’Université de Strasbourg sut alors reconnaître la pertinence du propos puisqu’elle le publia en 1957 aux Presses Universitaires de France.

C’est cette publication que nous avons ici remise en page, en nous efforçant de la rendre entièrement accessible aux lecteurs ne maîtrisant que le français. Toutes les citations latines sont traduites, ainsi que tout autre partie du texte que l’auteur a laissé dans sa langue d’origine, grecque ou allemande.


Retrouvez également la pensée de Léon Chestov dans une sélection d’aphorismes disponibles en pdf :

trackback  Page d’Aphorismes choisis.

Sola Fide,
Luther et l’Église

extrait

Présenté par Ivsan Otets

Chestov fait ici une synthèse du « nœud millénaire » que le monde religieux a tissé au cours des siècles, tant le catholicisme que le protestantisme. En effet, l’éthique et la raison ont toujours « illuminé » la foi pour mieux l’altérer et la figer. Depuis l’Antiquité des Platon jusqu’aux Christianismes du 20e siècle, en passant par saint Augustin, le Moyen Âge de Thomas d’Aquin et de remarquables penseurs tels que Spinoza… les philosophies et les églises, dans un accord commun très étrange, ont été incapables de laisser la foi « seule » — libre des entraves et des nécessités que la raison impose.

Mais le Sola Fide de Chestov ne fut pas entendu pour une autre raison majeure : Parce que l’auteur nous y dévoile « deux Luther » — et celui qui l’intéresse n’a jamais plu, tant aux protestants qu’aux catholiques ! En effet, nous dit Chestov :

« C’est une erreur de porter notre jugement sur Luther en partant du protestantisme. Celui-ci, en effet, a déjà son organisation, son passé, ses bases et ses traditions, tandis que la crise de Luther est caractérisée justement par son détachement des traditions, par l’écroulement des fondements millénaires qui l’avaient soutenu. Nous serons seulement pleinement d’accord avec les catholiques qui affirment que le luthéranisme a renié Luther et que, dans son essence, il est revenu vers le catholicisme ; nous dirons même que Luther a dû renier sa propre expérience spirituelle, dès qu’il eut à la formuler et à la transformer en une doctrine. C’est dans cette transformation, qui peut paraître paradoxale, qu’il faut chercher le profond mystère de toute œuvre religieuse. » (104)

Qu’est-ce que Léon Chestov a bien pu voir pour affirmer une telle chose ? Qu’on ne se trompe pas ici, car si Chestov est un excellent penseur, ce qu’il a vu n’est ni alambiqué ni ésotérique, bien au contraire, c’est fort simple, trop simple même — car, ce qui est simple a l’avantage de pouvoir être profond parce que léger. Mais laissons-le nous en faire lui-même l’ébauche par cet autre passage :

« Luther prêchait que l’homme était justifié par la foi seule. C’est le petit mot “sola” qui a creusé l’abîme entre lui et le catholicisme, et c’est précisément ce petit mot qui a complètement disparu de la doctrine protestante… » (122)

« Dans la vie pratique, non seulement les protestants, mais Luther lui-même ne savait que faire de sa doctrine de “sola fide (par la foi seule)”. Dans la solitude, les yeux tournés vers l’infini, il sentait que seule la foi comptait, qu’elle seule donnait les forces, l’espérance et apportait même la consolation. Mais dès qu’il se tournait vers les hommes, il s’apercevait que les catholiques avaient raison : la foi effraye, les hommes ont besoin d’une autorité ferme, implacable, à pouvoirs illimités, toujours fidèle à elle-même. En de tels moments, Luther se mettait à parler un tout autre langage — comme s’il ne s’était jamais approché du mont Sinaï, comme si jamais il n’avait entendu la voix divine résonner dans la tempête. Pareil à la femme de Lot, il se changeait en statue de sel. L’histoire ne parle guère de Luther-Prophète. Elle n’a que faire des prophètes : ils sont tout juste bons pour être lapidés, comme le veut leur destin. L’histoire a besoin de réformateurs, d’hommes capables de regarder autour d’eux et d’escompter les conséquences pratiques de leurs entreprises. C’est Luther-réformateur qui compte aux yeux de l’histoire, celui dont les Allemands ont inscrit le nom en lettres d’or à côté de ceux des grands ouvriers de la Renaissance germanique. Quant à l’autre aspect de la pensée et de l’expérience luthériennes, les protestants qui sont aussi hostiles au vrai Luther que les catholiques, ont pris soin de bien le cacher et le camoufler. » (121)

En choisissant comme titre « Luther et l’Église », Léon Chestov fait un condensé très exact du problème réel auquel se rattache le Sola Fide (par la foi seule) de Luther. Mais il ne fut pas le seul à voir que le nœud du problème est ici plus que partout ailleurs, même les catholiques ont mieux discerné ce fait que la tradition protestante, comme nous le fait remarquer ici le philosophe russe :

« L’éminent théologien catholique Albert Maria Weiss le dit en toutes lettres : « Ce qui sépare les disciples authentiques de Luther des catholiques, ce n’est pas une quantité plus ou moins grande de formules dogmatiques isolées, c’est le rejet total et fondamental de l’Église en tant qu’autorité. » (105)

Ce qui était vrai hier pour le catholicisme ne l’est-il pas aujourd’hui tout autant pour le protestantisme ? Ce dernier n’est-il pas devenu un succédané de catholicisme ? Faut-il en venir à la conclusion suivante de Léon Chestov :

« Ce que tous les hommes durant des dizaines des siècles considéraient comme la citadelle la plus sûre de la foi, se révélait être le repaire de la plus terrible et dangereuse incroyance. (…) Cette Église qui proclamait pendant des millénaires et qui proclame encore qu’en dehors d’elle, il n’y a point de salut aurait conduit droit à la perdition des centaines de millions, des milliards d’hommes, pleins de confiance. Dans quel monde horrible vivons-nous, si nous pouvons devenir les victimes de mensonges aussi effroyables ! » (9)