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Ivsan Otets · pour Akklésia

Sur l’Église · Et aussi le royaume des cieux
SUR UN BLOG PROTESTANT · SECOND DÉBAT QUI PRIT FIN PAR MON EXPULSION

Ma première intervention se trouve ici.

Texte de base présenté par le blog : « Nous avons fait de l’église un monstre que nous servons au lieu de nous aimer les uns les autres. » — Les milieux évangéliques se présentent de plus en plus comme une religion à part entière et indépendante, plutôt que comme l’expression du christianisme fondé sur les enseignements de Jésus et des apôtres qui, rappelons-le, ne sont pas venu fonder une nouvelle religion mais appeler tous les hommes à entrer dans un règne, le royaume de Dieu, lequel ne dépend ni d’une confession, ni d’un groupe, ni d’un ensemble de doctrines. […]
La vénération de son église locale, le concept d’église locale, en tant qu’entité en soi, me semble être une chose nouvelle, contemporaine, et en tout cas absente de la Bible. […] On voit apparaître ici et là, dans les milieux évangéliques, une obsession de l’église locale. Cette dernière prenant tellement d’importance qu’on peut s’interroger sur le principe d’idolâtrie à son égard. […] J’ai lu un titre de prédication, récemment, qui annonçait : « Votre destinée dépend de l’église locale. » Ce n’est qu’un titre, mais de tels mensonges me font bondir. […]
Jésus et les apôtres […] n’ont pas enseigné à aimer son église locale. Ils nous ont enseigné à nous aimer les uns les autres, à aimer des personnes, des individus, des gens, des frères et sœurs, pas des doctrines, pas des structures, pas des ministères, pas des activités, pas un programme, pas une église locale en soi. Il est très triste de voir que l’église locale est devenue une entité en soi. Presque indépendante de Jésus. Elle est devenue quelque chose qui fonctionne par elle-même […],au sein de laquelle des hommes vont se retrouver, adhérer, s’activer, travailler dans le but de faire croître « l’église locale ». Nous avons fait de l’église un monstre que nous servons au lieu de nous aimer les uns les autres et d’entrer dans le royaume de Dieu. Nous ne nous sommes pas attachés aux enseignements de Jésus et des apôtres, nous les avons quittés pour construire autre chose. […]

Akklésia (LCJ) : Voilà un petit texte fort rafraîchissant, et, selon moi, inspiré ! « L’église est devenue une entité en soi, presque indépendante de Jésus… et un monstre ». C’est tout à fait exact, mais la chose date du commencement, cela n’a rien de moderne. L’assemblée des Actes tendait déjà vers cette sur-puissance monstrueuse. Luc montre cela, comme dans une sorte d’annonce prophétique qu’il fait malgré lui. Aussi cette première église des Actes, grossissant à vue d’œil, fut-elle persécutée et donc dispersée – selon la volonté de Dieu ! Dieu ne supporte pas que la communion devienne un système conceptuel, car alors ce concept n’a rien à envier à l’ekklésia politique, qui, dans le monde grec portait aussi le nom d’ekklésia.
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Je félicite l’auteur de ce petit billet pour son courage. En effet, tandis que j’annonce depuis un certain temps l’« Akklésia et un christianisme sans églises », je suis banni et conspué de toute part, même par ceux qui au premier abord critiquent l'église. Car il y a un monde entre dire l’Akklésia et le faire ! Il y a un risque à dire, comme Barth : « L’Évangile est l’abolition de l’Église, de même que l’Église est l’abolition de l’Évangile… car l’Église est jugée par le royaume de Dieu ». Risque cependant que prit l’auteur de l’Apocalypse en affirmant qu’il n’y a ni temple ni église dans le royaume des cieux.
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Risque enfin que prit le Christ lui-même. Il n’employa qu’une seule fois le mot « assemblée ». Quand ? À l’instant où l’Homme-seul devient un temple de Dieu, lorsqu’il écoute la révélation du Père (mat. 16). À cet instant, l’apôtre va passer de Shimon fils de Jonas, celui qui avait été formé dans la religion de ses pères, à Pierre, fils de dieu et homme de foi : il naît de nouveau ! Mais, aussitôt après, le Christ prophétise contre Pierre alors qu’il bascule dans l’antithèse de cette révélation. Quand ? L’instant d’après, lorsque Pierre se détourne précisément de la toute fraîche révélation. Il veut faire la leçon au Christ. Il veut bâtir sa propre vue du messie, un messie qui se doit de vaincre et non de mourir. À cet instant, il lui est dit : « Arrière de moi le satan, tes pensées ne sont qu’humaines. »
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En effet, pour finir de nouveau avec Karl Barth, l’ekklésia est bien une vue humaine dans la majorité des cas : « L’Eglise, c’est la tentative, plus ou moins globale et énergique, visant à rendre le Divin humain, temporel, concret, mondain, à faire de lui quelque chose de pratique, et tout cela pour le bien des hommes qui sont incapables de vivre sans Dieu, mais qui ne sont pas capables non plus de vivre avec le Dieu Vivant. » C’est ici que l’église est appelée « le satan » par le Christ : elle est un obstacle, car elle n’est plus à la croix. Elle ne veut pas mourir !

1er intervenant : Bonjour, je suis d’accord. Et même, quelle que soit la dénomination des églises locales, elles sont devenues plus ou moins un monstre. La structure et les relations dans les « églises locales » telles qu’elles existent actuellement sont tout, sauf conformes à ce que dieu veut. Seuls quelques groupes d’amis privilégiés s’y « aiment », les autres non conformes aux attentes y sont mis au placard.
Si l’on met les pieds dans une « église locale » dont on n’est pas membre inscrit et actif et qu’on y demande de l’aide on nous répond : « Non, c’est réservé aux brebis de l’assemblée dont Dieu a donné la charge au Pasteur et dont il aura à rendre des comptes devant Dieu, pas aux autres… » Et ce monstre s’étend aux ministères indépendants…
Qui sait de nos jours ce que signifie vraiment « s’aimer les uns les autres » ? Les relations « chrétiennes » sont des « relations kleenex » qu’on cesse par un simple clic d’envoi de courriel. Le monstre avance, et l’amour du plus grand nombre se refroidit. On prétend aimer sans savoir ce qu’est la pratique de l’amour… Ma prochaine lecture pour étudier ce sujet : « Des ruines de Babel à la splendeur de Sion » de Christian Pellone.

Akklésia : Ce que vous dites est intéressant. Mais comme je le disais, le concept d’Église ne laisse pas de demi-mesure, ce qui ne semble pas être le cas du propos de C. Pellone. Car je vois que son discours aboutit finalement à « une reconstruction de l’église ». Le propos du Nouveau Testament n’est pas de reconstruire, de réformer l’église, ou de la conduire à un réveil tel que le christianisme règne sur terre… Niet de niet. Il s’agit de la conduire à sa mort afin d’amener chaque-Un à sa propre résurrection : on entre dans la résurrection que par le chemin étroit, soi-même, sans le support d’un credo dénominationnel ou d’une quelconque assemblée. Il s’agit donc de conduire au Royaume des cieux, là où l’église n’est plus ! Le temple de Dieu, c’est l’homme individuel ! Une telle unité, sans système intermédiaire entre chaque fils de l’homme et le Père, c’est une unité qui nous échappe et dont le langage ne peut rendre compte. Il ne faut même pas essayer…
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C’est pourquoi Pellone se perd en mysticisme. Il mélange le concept du messianisme juif avec celui de l’église, il mélange la « royauté » du Christ avec l’idée politique du messianisme juif. Mais le pire, c’est qu’il mélange le thème de « l’armée de l’éternel » avec l’église. L’armée de l’éternel n’a rien à voir avec l’église voyons, c’est une grave erreur là, erreur qui conduit, et qui a conduit bien des fois à de nombreuses violences.
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De fait, il finit par jouer avec la guematria, comme le font les rabbins : n’arrivant plus à saisir l’allégorie biblique, ils en appellent aux mathématiques et jouent avec le feu. La guematria fait glisser facilement dans la magie. On essaye de « prouver » la vérité par un procédé logique ésotérique. De même en est-il de l’idée de « corps et de tête » à propos de l’homme et du divin, idée qu’on retrouve surtout dans les pseudépigraphes d’Éphésiens et Colossiens : on doit appréhender cette pensée avec allégorie. Sinon il faut imaginer l’amour de Dieu comme une autocratie où une tête toute-puissante dirige des membres soumis dans l’absolu ; ce à quoi aboutissent toutes les réformes et tous les réveils ecclésiastiques depuis toujours. Ceci n’est pas l’unité, mais le levain de la dictature. Il est soit direct, soit indirect comme c’est le cas d’une démocratie. Le slogan du Christ, c’est « le royaume des cieux seul », un monde où l’homme accompli atteint une liberté semblable à la Sienne, c’est-à-dire à celle du Père ; de sorte que le Christ lui-même dira à chaque-Un : « Je te ferai asseoir avec moi sur mon trône » (apo 3) !

2e intervenant : Quelle envolée lyrique LCJ… Chercher le royaume de D.ieu c’est aller chercher, désirer, l’héritage qui nous est accordé par la mort et la résurrection du Seigneur. Le royaume c’est tous les charismes et les dons pour bénir et sauver les âmes en souffrance et les mettre en relation par l’Esprit avec leur D.ieu… Lorsque Jésus dit : Le royaume s’est approché de vous ! quel est donc ce royaume… Les boiteux marchent les malades sont guéris et les aveugles voient… […]
Les pasteurs, prêtres, etc. ne peuvent pas répondre juste, car ils restent tous sur leur piédestal pour nous gouverner !!!! Non c’est un problème de traduction qui voile la réalité du corps de christ… Il s’agit de l’Assemblée des Saints… […] Ils sont, dans ce sens, l’armée de l’Éternel terrestre car il y a deux armées : l’armée spirituelle composée des anges de l’éternel et l’armée sur terre composée de l’assemblée des Saints… Cette armée à autorité, au NOM du Seigneur et par son sang, pour accomplir par la foi les miracles les prodiges les guérisons les paroles d’autorités pour délier ou lier… elle gouverne sur terre avec la puissance du Saint Esprit et par ses actions de foi elle établie le royaume de D.ieu au milieu des hommes… […]
Maintenant comme Jésus qui allait à la synagogue pour dire au NOM de son Père ce qu’il avait à dire… Moi aussi ça ne me gêne pas du tout de dire dans n’importe quelle église structurelle la volonté de mon Père et de mon Roi… C’est donc la où sont les âmes que nous allons porter la guérison les miracles et faire s’il le faut des prodiges en proclament la parole de D.ieu sur son autorité… Dans la rue aussi ça m’est arrivé de prier pour les malades… […]

Akklésia : Vous prétendez donc que le Royaume des cieux, ce sont « les charismes et les dons pour mettre les hommes en relation avec dieu par l’Esprit ». Quand donc « les boiteux marchent, que les malades sont guéris et que les aveugles voient, etc. » Vous prétendez donc que les hommes croient parce qu’ils voient. Moi, j’appelle cela le Royaume de Saint Thomas !
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Nous sommes loin de la prérogative de l’Esprit. Sa tâche est, non de prouver par la force des preuves, mais de convaincre l’homme intérieur, de l’amener à une contrition telle en sa conscience, qu’il n’a plus d’autre espérance que la résurrection. C’est-à-dire à trouver un dieu capable de le faire sortir de son état de créature, hors des lois, vers une nature nouvelle de Fils. Or, la résurrection n’est pas le « tikoun » hébreu, la réparation des corps ici-bas, mais leur recréation après leur avoir donné gratuitement la victoire sur le dernier des jugements : la mort. Les miracles dont vous parlez, ces « réparations instantanées » de la chair, ce ne sont que des métaphores du vrai miracle à-venir : la résurrection. Ceux qui espèrent en une réparation de leur chair n’ont pas la foi, seulement un mysticisme bon marché. Tandis que ceux qui espèrent au miracle de la résurrection auquel renvoient ces œuvres accomplies par le Christ dans son humanité, ceux-là ont la foi. Ils ne voient plus dès lors dans la faiblesse et la maladie de la chair un échec de l’Esprit, car ils attendent de Lui un corps incorruptible.
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Votre vision du Royaume des cieux est proprement judaïque, ce qui explique votre façon d’écrire le mot « D.ieu ». D’ailleurs, les pharisiens demandaient à Jésus ce que vous Lui demandez aussi : « Les pharisiens demandèrent à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu. Il leur répondit : Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards. » (luc 17).
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Jean le baptiste douta du fait de cette influence judaïque d’ailleurs. Mais, pour lui, il n’est nullement question d’en faire le reproche. Il était encore trop proche dans l’antique judaïsme. Ce judaïsme qui se range du côté d’une « armée » de lois morales et astronomiques – lois angéliques dans le langage mystique – pour établir un royaume messianique terrestre : un âge d'or sur terre. Cette religiosité pense la sainteté comme une pureté angélique, de type morale, scientifique et hygiénique. Une sainteté qui en devient donc ésotérique, et capable alors de réaliser des prodiges par son obéissance à ces lois dites divines. Le judaïsme, tout comme vous, voit le Saint comme une élite missionnée pour gouverner les hommes au nom de ces lois célestes. Un gouvernement de Saints utilisant donc la force et l’autorité, tant celle de la loi et de la morale que celle du miracle ! Un petit enfer sur terre somme toute ; là où la foi intérieure et personnelle n’est plus requise ; là où seule la soumission à une théologie de la loi des miracles est requise.
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La loi et le miracle n’auront pourtant pas de place dans le Royaume des cieux ; Paul l’affirmait déjà. Le Royaume des cieux n’a nul besoin de prophéties, de connaissances ou de miracles ; il est le monde où l’Être n’a nul besoin de forcer une réalité déchue. La réalité du monde-à-venir, c’est l’infini des possibles, un infini que l’homme aura en Lui-même : rien ne séparera ce qu’il est de ce qu’il fait. Qu’ont besoin d’un gouvernement de tels Êtres ? Qu’ont besoin d’un gouvernement deux Êtres qui s’aiment ? Qu’ont-ils besoin de forcer la réalité, car celle-ci ne sera plus un obstacle, mais le reflet de leur gloire. Et quelle loi les forcera à s’aimer ? Car, étant accomplis, ils se joueront des lois comme aiment à jouer les amants ?
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Lorsque Jésus répond au Baptiste : « les malades voient, les boiteux marchent… », il rajoute aussi : « la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute ! » En quoi le christ évoque-t-il l’idée qu’il puisse être une occasion de chute ? Parce que Jean aussi pensait que le messie devait établir le Royaume des cieux au milieu des hommes, un royaume des cieux sur terre avec un Roi-messie, sa morale, sa connaissance, et ses miracles scientifiques. Et le Christ de lui répondre : « Il s’est approché, seulement approché, il est annoncé, seulement annoncé, mais étant aux cieux, il sera établi aux cieux seulement. J’en suis le Témoin véritable, aussi j’affirme qu’il ne viendra pas sur terre autrement que caché, en toi, à l’intérieur de toi (entos). Il ne se révélera pas à l’œil autrement que par la résurrection, là, dans le lieu d’où je viens et où je vais. Les aveugles qui voient et les boiteux qui marchent témoignent de l’écriture des prophètes que je suis Celui qu’ils ont annoncé. Mais il vient un temps où il sera dit aux hommes : Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! C’est alors que je serai pour beaucoup une occasion de chute. Tant pour l’ekklésia des lois que pour celle du miracle. » Cette ekklésia des lois du miracle que vous prêchez est la plus abjecte des autorités !

3e intervenant : Mon cher LCJ, lors d’une de tes anciennes interventions sur ce blog, j’étais déjà allé voir le lien que tu as remis un peu plus haut et titré « akklésia ». Je dois sincèrement te dire que je n’ai même pas été jusqu’au bout de l’argumentation qui y était développée, car elle était visiblement fortement infectée d’une pensée bouddhiste dont le Seigneur m’a libéré il y a bien des années. […]
Première remarque : le mot grec « ekklésia » est employé 122 fois dans le NT et JAMAIS de façon péjorative. Il concerne principalement la communion des chrétiens dans la Nouvelle Alliance. Mais il est également employé pour désigner le rassemblement du Peuple de Dieu dans l’Ancienne Alliance, puisque c’est ce mot qui est employé dans la traduction grecque de la Septante.
Le sens grec du mot est : « ek » = (hors) + « klésia » = (rassemblement) ; littéralement, « rassemblement au dehors », ce qui est très bien imagé par le rassemblement hors d’Égypte. La première fois que le terme « assemblée » est employé dans la Bible, c’est justement à propos du sacrifice de la Pâque, la veille du « rassemblement hors » d’Égypte (Ex. 12), et ensuite pendant toute la pérégrination dans le désert. Lorsque les apôtres emploient ce terme, c’est donc en référence à une réalité que tous les israélites connaissaient et qui était le « type », le schéma, de ce que l’Église était appelée à vivre dans sa pérégrination sur la terre.
Par contre, le terme employé dans ton livre a un tout autre sens ! « akklésia » : « a » (privatif) + « klésia » (rassemblement) ; littéralement : « sans rassemblement ».
Sous prétexte que les gens rassemblés à l’appel du Christ ont tendance à se fabriquer des « lieux de culte » qui arrêtent leur marche spirituelle, ce livre propose tout simplement de considérer les rassemblements comme inutiles et donc de les supprimer ! Et la communion fraternelle indispensable à la croissance en Christ disparaît malheureusement avec l’eau du bain…
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En lisant tout ce que tu as mis sur ton blog […] on y discerne un concept d’annihilation de l’être qui est plus inspiré du bouddhisme que de l’Évangile. On peut remarquer aussi que la dimension de la communion fraternelle est complètement absente de tes billets. On y observe une démarche individuelle et malheureusement individualiste, alors que la vie chrétienne, si elle est une démarche personnelle, est également forcément le résultat d’une communion avec le reste des frères et soeurs. Le 1er commandement qui consiste à aimer Dieu est équilibré par « le second qui lui est semblable » et qui consiste à aimer son prochain comme soi-même. Sans communion fraternelle, nous sommes incapables de le mettre en pratique.
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Dans les évangiles (et encore aujourd’hui) les « signes » (guérisons, miracles, délivrances…) sont le résultat de la foi et jamais des moyens ou des béquilles pour aider à croire. Et contrairement à ce que tu prétends, il ne s’agit pas de « métaphores », mais de réalités qui ont cours encore aujourd’hui au milieu des croyants. Lorsque tu vas jusqu’à affirmer que « Ceux qui espèrent en une réparation de leur chair n’ont pas la foi, seulement du mysticisme bon marché », tu ne te rends pas compte que tu contredis complètement ce que le Christ Lui-même déclare à propos de plusieurs de ceux qui l’approchaient pour demander une guérison et qu’il a considéré comme ayant beaucoup de foi. A trop vouloir idéaliser les principes spirituels, on en arrive à dévier gravement de la pensée divine…
Si je suis d’accord avec toi à propos de la tentation charnelle que représente un royaume qui s’établirait par une autorité miraculeuse et abusive, il ne faudrait pas pour autant oublier que le Règne de Dieu ne s’est pas « seulement approché », comme tu le prétends, car il est réellement descendu jusqu’à nous. S’il est effectivement déjà établi dans les cieux, il est également appelé à venir s’établir au milieu des humains. C’est tout le mystère de l’incarnation que ta pensée semble évacuer complètement. Jésus est réellement venu en chair, il ne s’est pas contenté de nous donner des enseignements spirituels et symboliques (comme la gnose prétend le faire), il les a vécus ici bas et nous a appelé à le suivre dans cette réalité. La prière qu’il nous a laissé en est une preuve de plus : « Que ton Règne vienne ; Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » (Mat. 610). « Sur la terre comme au ciel » ! Ne spiritualisons pas tout ! L’Esprit de Dieu est venu planter sa tente au milieu de nous en Christ-Jésus.

Akklésia : Il est étrange que vous commenciez ma critique par : «  Je n’ai même pas été jusqu’au bout de votre argumentation, mais je la juge cependant ». Une telle pirouette me pousserait à faire de même, et à ne pas vous lire en entier, ce que je ne ferai pas puisque j’ai le désir de vous répondre.
En outre, je ne doute pas que vous soyez blessé par la pensée bouddhiste au point de la soupçonner là où elle n’est pas. Il s’avère, en effet, que le bouddhisme et l’hindouisme sont mes critiques les plus virulentes, car je vois précisément dans ces philosophies le plus dangereux problème qui se pose, non seulement au christianisme, mais à l’ensemble de la pensée moderne et mondialiste. L’Islam est selon moi de la nionotte à côté.
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Concernant le mot « ekklésia », il semble que vous soyez un protestant typique dans le sens où vous supposez que les apôtres ont perfectionné le message du Christ, puisque votre jeu de statistique se réfère aux textes hors évangiles, les évangiles ne se référant qu’une seule fois à ce mot. Certes, les chrétiens qui suivirent le christ parlèrent ensuite des communautés, c’est-à-dire de la communion fraternelle, vers laquelle je suis entièrement favorable. Ma critique est celle de l’ecclésiologie en tant qu’elle est une supercherie calquée sur la synagogue et la théologie du Temple. La communion fraternelle est une chose, le concept de l’éternité de l’église et de son règne terrestre en est une autre ! C'est pourtant simple à comprendre.
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Votre développement du mot ekklésia est, permettez-moi, léger. Tout d’abord, le christ n’employa pas ce mot, il ne parlait pas en grec ; nous ne savons quel mot il employa d’ailleurs. Ce qui est significatif ! De plus, le mot « ekklésia » se réfère à un vocable employé communément dans la culture grecque d’alors. Un vocable proprement politique et sociétal. — Quant à votre développement par rapport à la septante, il est faux. Ce qui prouve d’ailleurs que vous n’avez pas lu mon opuscule, que vous critiquez pourtant ! Bref, les nombreux mots français tels que : « assemblée, congrégation, communauté, collectivité… », et que nous traduisons ainsi à maintes reprises dans l'AT ; ils sont en réalité issus de seulement 2 termes hébreux dans le texte d'origine ; à proportion quasi égale dans l'hébreu.
L’un de ces termes permit de construire le mot « synagogue » : c’est le edah hébreu d’origine, et que la septante grecque rendit par sunagôgê. L’autre fut utilisé pour créer le mot « église » : c’est le qahal hébreu d’origine, et que la septante grecque rendit par ekklêsia. En distinguant « synagogue » et « église », on a donc séparé 2 termes qui dans l’hébreu ne sont pas distincts, mais parfaitement interchangeables ! Or, il s’avère que la théologie de l’église qu’on prétend imputer aux apôtres, elle est en réalité devenue une théologie politique et sociale. Soit donc, exactement la même théologie que le judaïsme. Celle-ci a comme centre la synagogue, émanation du Temple, et comme perspective une théocratie, avec pour chef un Roi-messie instaurant un royaume divin sur terre. De là le compromis continuel entre l’église et l’état, entre l’église et la société, entre l’église et les pouvoirs terrestres. De là l’avidité des églises à vouloir régner ici-bas, de là le fait que ses adeptes font violence à dieu : ils font accroire aux foules que le miraculeux est une chose commune dans leurs sectes. Ils n’arrivent cependant jamais à en produire ! Car les miracles évangéliques dont vous parlez, tout comme les catholiques, ce sont les fantômes de l'auto-persuasion : il n'en arrive quasi jamais.
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A contrario, je crois en effet que les apôtres voyaient dans l’idée d'assemblée celle de communion. Je ne pense pas qu’ils voulaient bâtir une hiérarchie synagogale, à l’image du Temple davidique, se destinant à couronner un messie-roi sur terre à grands coups de miracles et de lois. Les apôtres avaient brisé pour eux l’antique judaïsme. Il semble donc plutôt que ce soient leurs successeurs qui mêlèrent le levain du judaïsme avec la foi en christ, construisant une église qui n’est qu’une copie de synagogue. Là est ma critique de l’église. C’est-à-dire que plus on critique cette théologie, plus on encense la communion d’homme à homme : la véritable fraternité somme toute. Plus on détruit l’idée humaine et théologique d’église, plus on bâtit une communion hors de tout intermédiaire administratif, doctrinal et ecclésiologique. Plus finalement on se rapproche de ce que peut être le rapport humain dans le monde-à-venir, c’est-à-dire là où il n’existe plus d’églises, là où la relation humaine n’est plus pesée et mesurée au tribunal d’une entité visible, mais là où la relation est directe, entre hommes libres de toute autorité. Le christianisme est dans son essence « anarchique ». C’est là que vous devriez placer votre « a » privatif grec. Anarchie, c’est littéralement « sans autorité, sans commandements ». C’est le lieu où l’autorité est inutile pour stipuler aux hommes comment se conduire, dans quel cadre ils se doivent de s’aimer, et au son de quelle morale dite divine ils doivent bénir ou maudire la différence de l’autre. Pourquoi ? Parce que le christ, c’est l’homme libre, c’est celui qui a reçu l’autorité en lui-même — parce qu’il est un autre homme. C’est l’homme qui n’a nul besoin des tours d’un temple ou d’une église pour lui dire qui être et quoi faire.
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Vous prétendez en outre que les signes et miracles tangibles sont le résultat de la foi. Vous me reprochez d’avoir dit : « Ceux qui espèrent en une réparation de leur chair n’ont pas la foi, seulement du mysticisme bon marché… » Et bien je réitère. L’espérance de la foi a comme seul et unique but la résurrection, c’est-à-dire une nouvelle création, un être qui apparaît dès lors avec un corps incorruptible et pour lequel tout sera possible. La résurrection n’est pas une réparation de la chair, mais sa mise à mort ! À partir du moment où le but de la foi en christ se focalise sur la guérison ou la prospérité de la réalité terrestre, il a tous les risques d’oublier le but essentiel vers lequel la foi conduit : la résurrection dans un corps recréé. Cet attachement à la réalité est un manque de foi, c’est malsain. Pourquoi ? Parce qu’elle conduit vers le bouddhisme ou l’hindouisme. En effet, comment ceux-ci ont-il résolu cette impasse de la réalité ? Car on a beau faire, le réel nous rattrape toujours. Eh bien le bouddhiste a dit que la perdition était le salut, c’est-à-dire qu’il prétend vaincre la réalité en l’annihilant : c’est la désincarnation. C’est-à-dire que la théologie des miracles – en étant obnubilée par la réalité – est l’introduction aux philosophies orientales. En effet, elles aussi sont obsédées par la réalité, mais elles sont simplement allées plus loin ; elles ont dit que la solution n’existe pas autrement qu’en se désincarnant de la réalité, et cela après de multiples réincarnations. Seul le christ propose de juger le réel sans le perdre, et en le surmontant par une recréation, c’est-à-dire en le glorifiant : c’est la résurrection. Soit donc, l’obsession des signes et des miracles est le premier pas vers le déni de la résurrection !
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De plus, si le christ sut reconnaître la foi de certains envers la guérison, c’est encore mentir par omission de ne mettre que cela en avant, car en de nombreux autres cas il reprocha aux hommes de ne rechercher que les miracles, le pain et la bénédiction terrestre, disant d’eux qu’ils n’étaient pas dignes de confiance. D’ailleurs, le passage au désert et son face à face avec le satan, ce n’est somme toute qu’une invitation du satan à user d’un pouvoir divin pour modifier la réalité : relisez attentivement ! Le satan aime le miracle et la prospérité, il aime donner le bonheur aux hommes ici-bas : on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. Cette réparation de la chair est en fait un terme de la théologie hébraïque : le « tikoun », qui signifie réparation. Le « tikoun » est une sanctification de l’être, mais en ce que l’homme doit être valorisé de manière visible dans ce monde. Cette idée de valorisation du monde, car il faut le préparer pour la venue d’un messie, c’est le langage du miracle et de la prospérité que les pseudos églises annoncent aussi aux foules : on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. La théologie des signes et des miracles est donc un glissement vers le désir de sanctifier la chair au lieu de la tuer pour la ressusciter. Une façon toute polie de ne plus laisser à la résurrection toute la puissance de l’espérance. C’est typique du protestantisme, comme du catholicisme d’ailleurs… et de toutes les religions. On veut incarner dans la réalité la victoire d’une bénédiction dite divine, tant par la prospérité que par la réussite sociale ou la santé corporelle. Quant à la résurrection… bah, c’est la cerise sur le gâteau, mais ce n’est plus le gâteau !
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Ainsi, ceux que le christ sut reconnaître dans leur foi lors d’une réponse à la guérison, c’est précisément ceux qu’il utilisa en tant que métaphore : la foi seule sauve, l’impossible n’est accessible que par la foi, la résurrection n’est possible que par la foi. La loi, la morale ou les pratiques spirites ne peuvent réaliser l’impossible : sauver l’homme du jugement des lois terrestres et conduire à la résurrection. Par la loi, la morale ou les pratiques spirites n'est possible qu’une réparation momentanée de la chair : une certaine bonne santé et une certaine réussite sociale. C’est ainsi que le moindre acte sorti de l’ordinaire est prétexte à renchérir sur le miraculeux et à donner une espérance trompeuse aux hommes. Mais Lazare mourut après sa résurrection ! Ce n’est pas moi qui idéalise, c’est vous. Car en exaltant le miraculeux on idéalise la vie chrétienne comme nous mettant à disposition une vie exempte d’échecs, d’erreurs, de souffrances et de maladies. Ainsi, tous croiront, même ceux qui ne croient pas à la résurrection et n’aiment pas le christ. – Qui refuserait 2 heures hebdomadaires de culte si la richesse et la guérison du cancer y étaient assurées : personne ! Tous sont prêts à courir après ce mysticisme bon marché. Mais qui suivra le christ une vie durant, même durant les pires épreuves, pour une espérance qu’il ne voit pas et dont il n’a pas le bénéfice sonnant et trébuchant ici-bas ? Seuls ceux qui ont foi et l’aiment vraiment, les heureux qui « croient sans voir ». Car « l'espérance qu’on voit n'en est pas une. »
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Enfin, vous semblez être tout aussi léger quant à ce qui concerne le règne de Dieu. Il s’avère en effet que dieu s’est incarné en Christ, il se sacrifia volontairement puis ressuscita. Mais il ne ressuscita pas pour demeurer parmi nous, si ce n’est 40 jours. Il s’en est allé d’où il venait, nous laissant sa présence, non corporelle, mais spirituelle, celle de l’Esprit. Aussi, n’est-il plus incarné ici-bas, n’est-il qu’Esprit. Il vint, non pour régner sur cette réalité et la réparer, mais pour affirmer sa future abolition ; pour certifier à ceux qui l’aiment qu’une autre réalité à-venir les attend, pour peu qu’ils ne se bercent plus d’illusions avec celle présente. Qu’est-ce donc qu’une tente de l’Esprit dès lors ? C’est une tente invisible, c’est le cœur de l'homme. C’est l’incognito du Christ. Ce n’est pas une royauté terrestre ou une église. C’est pourquoi son témoignage n’est qu’une Parole ! L’Esprit est là pour convaincre l’homme intérieur et le conduire vers l’incognito du christ, vers ce qu’il ne voit pas, vers ce devenir où il marche avec persévérance. Cette parole de conviction de l’Esprit n’est pas une gnose, c’est convaincre l’homme de son impuissance face à ce monde présent. La foi est au contraire très réaliste. Trop réaliste diront certains ; c’est pourquoi ils auront recours à une gnose. Ils se tortilleront et tordront le texte pour se convaincre qu’ils ne sont pas si impuissants que cela, que la résurrection n’est pas leur seule espérance. « Il faut incarner dieu dans la réalité présente », diront-ils, « ici et maintenant, par une ecclésiologie du bonheur ; car l’incarnation passée du christ et celle à venir de la résurrection ne suffisent pas à l’homme pour croire, c’est trop dur, c’est trop étroit. Il faut les aider ! » C’est exactement ce que dit Dostoïevsky dans Le grand inquisiteur. En vérité, c’est l’Esprit qui manque à de tels hommes ! Aussi vont-ils par le large chemin médian des tièdes, des compromis. C’est donc vous qui gnosez Monsieur !
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Qu’est-ce qu’une gnose si ce n’est l’alchimie à rendre dieu concret, humain, réaliste, à le faire descendre sur terre : « qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui ». La gnose, c’est construire une théosophie divine, une théurgie divine (de ergon, action), et cela afin de faire descendre une spiritualité sur terre qui puisse modifier le réel, et qu’on nommera divine. L’homme n’est pas invité à se tordre les méninges pour acquérir la prospérité et la bonne santé en tentant dieu pour qu’il agisse. Comme si dieu allait être en extase devant nos techniques spirituelles, nos potions religieuses ; comme si on pouvait le forcer à agir — si possible. Le christ nous avait pourtant prévenus : « Le royaume de dieu est forcé par les violents ». Mais pas une seule virgule de la réalité ne passera sans que tout n’arrive, et tous boiront cette coupe : tous seront éprouvés. C’est alors que le royaume des cieux appartient aux humbles, aux brisés, aux hommes pour qui l’espérance n’est plus terrestre, mais céleste.
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L’Esprit, c’est « la négation de l’immédiateté directe » disait Kierkegaard. Car l’Esprit commande et ordonne, non des miracles et des rois chrétiens, mais la nouvelle création de ceux qu’il a choisis avant leur naissance, afin qu’ils entrent, après leur mort, dans une vie dont nul ne peut rendre compte ici-bas : la vie de dieu. De fait, le royaume de dieu à-venir, c’est le non-règne de dieu. Mais autre chose est le règne de Dieu ici-bas, sur les choses terrestres et célestes : sur la terre et les cieux. Nous y assistons. Qu’est-ce donc ? C’est l’Esprit du christ qui réalise une chose dans l’incognito ! En effet, l’Esprit a autorité sur tout le réel, et aucun jugement ne peut être édicté des cieux s’il s'y refuse. Mais quel est le but de ce règne ? C’est de faire entrer des hommes dans la foi, dans le même incognito qu’était le sien de son vivant, soit donc de leur communiquer que la seule issue possible est la résurrection. De là sortiront-il des théâtres religieux où l’homme fume l’opium des miracles et des prospérités immédiates. Voici ce que dit le christ, ici et maintenant : « Il vaut mieux un seul homme caché dans mon espérance à-venir que 1000 miracles que demain le réel brisera, rouillera et rongera par sa teigne. »
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Enfin, c’est pourquoi l’apocalypse dit : « Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant a régné », et non pas : « est entré dans son règne ». Le verbe est conjugué à la 3e personne (aoriste indicatif actif), comme dans : « Si par l’offense d’un seul la mort a régné par lui seul… » C’est un verset de l’apocalypse que les théologiens ne peuvent donc traduire correctement. Car comment comprendre que dans le Royaume des cieux, Dieu a régné, que c’est fini !
En effet, il est bon que dieu règne ici-bas, mais seulement ici-bas. C’est-à-dire qu’il ait tout pouvoir pour appeler les siens à sa résurrection. Mais nous ne voulons pas plus. Nous ne voulons pas qu’une théologie spirite insiste sur la réparation de notre chair, comme si, sans elle, la résurrection ne pouvait être validée. Niet. Nous croyons, quel que soit le cas le plus extrême, en une recréation définitive et qui se réalisera en un clin d'œil : en une résurrection si puissante qu’elle n'a nul besoin d’intermédiaires, de réparations ou de réincarnation. Nous voulons entrer dans un ailleurs-à-venir où Dieu a cessé de régner, un monde où dieu n’aura plus personne à sauver, plus rien à réparer, où nul ne pourra se perdre. Ainsi dieu pourra-t-il dire : « J’ai régné, je vous ai aimés, je n’ai cessé de travailler à vous conduire dans mon espérance, dans ce qui est caché au monde. Mais désormais, Entrez ! Et que la fête commence. Car je vous donne l’infini des possibles ; et ce que vous appelez ici un miracle sera là-bas la chose la plus normale qui soit ! » !

3e intervenant : Le fait de critiquer le bouddhisme et l’indouisme, n’est pas la preuve que tu n’es pas encore grandement sous leur influence. L’emploi de termes négatif pour parler des réalités spirituelles comme « non-église » et « non-règne de dieu » n’est pas originaire des Écrits Bibliques, mais par contre, est typique de la pensée orientale. Je te cite : « De fait, le royaume de dieu, c’est le non-règne de dieu… dans le Royaume des cieux, Dieu a régné, c’est fini. »
Avant d’aller plus loin dans des débats longs et fastidieux et pour bien comprendre à quel courant de pensée tu appartiens, il serait intéressant de nous faire savoir pourquoi tu prétends que le Règne du Dieu Éternel va se terminer ?

Akklésia : Je ne sais si en parlant d’influence tu ne mets pas les pieds en un lieu qui t’est interdit. Car d’influence à inspiration il n’y a qu’un pas pour accuser l’autre d’être démoniaque ou je ne sais quoi encore. Un autre intervenant sur ce blog m’a déjà taxé d’« antisémite et de rebelle à l’Esprit du Christ », je m’attends donc à tout. En réalité, tu ne sais lequel de mes arguments directs tu pourrais avancer pour te convaincre que je présente une doctrine hindouiste. Tu ne le sais, car il n’y en a aucun ! Bien au contraire, mes textes sont une critique même des dogmes de l’annihilation, notamment celui de l’annihilation de l’incarnation, et plus encore celui de ces maudites réincarnations intermédiaires que le judaïsme a par ailleurs inclus dans sa théologie. Tu en es donc réduit à te réfugier dans l’apparence de mon propos. Tu regardes à la loupe ma syntaxe et ma phraséologie plutôt que d’écouter ma réflexion et mon argumentation. Ainsi parles-tu d’influence, et tu en viens petit à petit à m’accuser de ne pas être inspiré, et plus tard, peut-être, à m’accuser d’être inspiré par le malin. C’est le réflexe propre à celui qui veut à tout prix avoir raison. Ce qui n’est pas mon intention. Je n’ai que l’intention de chercher avec ceux qui cherchent, c’est-à-dire avec ceux qui cheminent et qui sont prêts à mettre en question des théories éternelles, certes utiles durant l’enfance, mais que l’âge adulte rend obsolètes et pour lequel elles sont un obstacle à la maturation spirituelle.
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Parlons donc brièvement d’influence. Il semble que tu sois peut-être encore toi-même sous cette influence qui t’a trompé auparavant et envers laquelle tu as su tourner pourtant le dos. Car si à la moindre utilisation d’une négation, la « non-autorité » par exemple, si donc tu ne vois là que cet hindouisme qui t’a maltraité dans le passé, il se peut que tu souffres encore des coups qu’il t’a infligés. Ne serait-il pas mieux de chercher en toi-même le problème plutôt que dans l’œil de ton prochain ?
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Concernant ce que j’appelle le « non-règne » de dieu. Notamment Apo. 196 abordé lors de ma précédente réponse et dont voici le rappel. Ce verset est habituellement traduit par : « Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant est entré dans son règne. » Or, il s’avère que la traduction devrait plutôt être : « Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant a régné ». Le verbe « régner » est un aoriste indicatif actif ; nous retrouvons le même temps et le même verbe ailleurs, et effectivement traduit par sa valeur accomplie passée. Ce qui est d’usage en ce cas afin de manifester que le temps de ce verbe est bien une action dont le processus est complet. En voici 2 exemples :
Rom 514 : Cependant, la mort « a régné » depuis Adam jusqu’à Moïse…
Rom 517 : Si par l’offense d’un seul la mort « a régné » par lui seul…
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Mais ne prendre que le seul verset de l’apocalypse pour appuyer l’ensemble serait une grave erreur. Ce verset nous met la puce à l’oreille, certes, mais il se doit d’être confirmé par l’ensemble de l’écriture. Si ce qu’il semble nous dire est vrai, ceci devrait être reflété dans tout le texte. Nous devrions retrouver en quelque sorte le fil conducteur de ce propos de l’apocalypse partout dans la bible. Or, c’est précisément le cas ! Il est simplement fort dommage qu’un certain christianisme en soit encore au lait pour n’avoir pas débusqué la chose.
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Pour mettre cela en lumière dans toute la bible, il faudrait prendre un certain temps. Il faudrait développer le thème de l’arbre de la mort dont parle la genèse ; c’est-à-dire les connaissances et la raison, lesquelles sont toujours protégées par les morales du bien et du mal. Nous en viendrions dès lors à ce que le texte appelle les anges. Les anges sont des concepts d’obéissance pure, sans volonté. Ils sont des perfections. Ce sont des lois, des idées pures, et que l’homme appelle éternelles. En effet, l’homme ne peut imaginer que la perfection soit mortelle ou mise en échec. Il dira par exemple que la théorie du 2+2=4 ne peut mourir. Il y a une parole du Talmud qui résume cela admirablement : « Quand vient la perfection, le satan danse. » Bref, ces lois obéissantes et parfaites produisent dans notre réalité ce que l’on conçoit, tantôt comme un bien, tantôt comme un mal. Mais en soi, ces lois ne sont ni bien ni mal, c’est le contexte humain qui les rend bien ou mal. C’est pourquoi l’arbre du bien et du mal produit le bien et le mal de la même racine. C’est le même arbre nous dit la Genèse.
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De fait, ce que la bible appelle l’Armée de l’Éternel, ce sont en vérité ces puissances législatives dominant le créé et les créatures. Et pour l’homme, la connaissance de ces « vérités » du bien et du mal produit en lui la conscience : réprobations et récompenses, sens des droits et des devoirs, etc. C’est le tutorat de la loi dont parle Paul dans Galates. Cependant, ces puissances de la réalité sont toutes subordonnées à l’Esprit du Christ ! Il règne. Il tance les lois, rendant mortel ce que nous pensons être éternel. Ici est l'allégorie de ses miracles : il peut abolir la pesanteur et marcher sur l’eau, ou transformer les lois des molécules pour faire de l’eau du vin, etc. Mais son autorité sur la réalité n’a pas pour but de faire du cinéma pour les assoiffés de preuves et d’extraordinaire. Son objectif et tout autre et très précis : Engendrer des fils de l’homme. Il destine précisément ceux-là à faire l’exode de la créature, du premier homme, à ne plus dépendre de ces dominations. Or, ce but sera atteint lorsque seulement la dernière et plus parfaite des lois sera abolie : la mort. Lorsque donc tous les fils de l’homme seront entrés dans la résurrection. Et lorsque le christ aura atteint ce but, son règne sera accompli ! Il prendra fin. Car qui voudrait encore d’un amour légalisé, autorisé selon une autorité, et cela pour l’éternité ? Cela, ce n’est pas l'amour.
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Bref, je ne crois pas que ce blog soit vraiment le lieu pour un tel développement dans le détail ; bien que je sache que le risque en étant trop court pour synthétiser est aussi celui d’être mal lu. Je m’arrête pourtant là en laissant ce passage de Jacques Ellul. Il me permit de réfléchir puis de remettre en question la théologie voulant faire du royaume des cieux un règne éternel de l’obéissance, à l’image de la soumission et de l’adoration qu’ont les hommes ici-bas pour des vérités qu’ils croient éternelles. Voici donc le texte d’Ellul :
« Mais il se pose ici un problème de traduction. Le texte grec dit exclusivement : « Le Seigneur notre Dieu, le Tout-Puissant, a régné. » Cette formule paraît impossible aux traducteurs. En effet tous pensent que Dieu continue à régner…, ce qui est évident. On modifie alors le texte en écrivant : a assumé le règne, a établi son règne, a manifesté son règne, a pris possession de son règne…, ajoutant tous quelque chose qui n’est pas dans le texte. Et le pire (Stierlin) projette au futur (« règne enfin ») ce qui est au passé. Il me semble pourtant que le sens est assez clair : le Tout-Puissant (en tant que tel) a régné : ce règne, c’est, on vient de le voir, le jugement et la condamnation des puissances historiques. C’est là, à ce moment, que le règne a éclaté, a eu lieu, comme règne royal. Et ce qui se substitue maintenant au règne, c’est le mariage. Une autre relation, radicalement nouvelle s’établit : le Seigneur a régné en tant que Tout-Puissant et maintenant il devient l’Époux. » (Ellul, commentaire de l’Apocalypse, chapitre 8, Doxologie.) !

3e intervenant : A la lecture de ton long post LCJ, je constate que tu n’es pas arrivé à préciser davantage ta pensée concernant la fin du règne de Dieu. Ton interprétation particulière de Apoc. 196, ne semble donc pas appuyée sur d’autres passages bibliques. J’ai eu l’occasion cet après-midi de parler de ce passage avec des personnes beaucoup plus expertes que moi dans le grec ancien et qui m’ont fait remarquer que l’aoriste employé dans ce verset ne préjugeait absolument pas de la fin du règne de Dieu, mais parlait simplement de ce qu’il était parfaitement accompli dans le passé.
Pour résumer, cette parole d’Apoc. 196 serait la conclusion de la Prière du Seigneur : « que ton Règne s’établisse sur la terre comme au Ciel » (Mat. 610).
Il viendra un jour en effet où le Règne de Dieu sera établi « sur la terre comme au ciel » et où l’on pourra donc en parler au passé, car il sera totalement accompli. Mais ça ne préjuge absolument pas que Dieu arrêterait de régner pour autant ! D’autant plus que l’Écriture nous en parle comme un Dieu hors du temps et qui règne éternellement (Ps. 2910 – 14610).
C’est un peu comme si tu m’entendais dire : « j’ai mangé » et que tu en conclurais abusivement que je ne mangerai plus jamais… Il est préférable d’éviter de se lancer dans des conclusions outrancières avant d’avoir recherché si le concept que l’on met en avant existe vraiment dans les Saintes Écritures…

Akklésia · Réponse censurée, puis ayant fini par un bannissement. : Je vois que tu ne me lis pas, car n’ai-je pas dit que : « Ne prendre qu’un seul verset pour appuyer l’ensemble serait une grave erreur. […] nous devrions donc retrouver en quelque sorte le fil conducteur de ce propos de l’apocalypse partout dans la bible. » Puis : « Je ne crois pas que ce blog soit vraiment le lieu pour un tel développement dans le détail ; bien que je sache que le risque en étant trop court pour synthétiser est aussi celui d’être mal lu. »
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Soit donc, lorsque tu me reproches de ne pas m’appuyer sur d’autres passages, tu me reproches une chose que j’avais anticipée. Si tu m’avais lu, tu ne m’aurais par fait ce reproche, mais tu m’aurais proposé une solution pour un lieu où discuter dans le détail. Sinon, il te faut accepter ta frustration. En réalité, c’est à toi de chercher toutes les références bibliques que sous-tend ma synthèse. J’ai mis en exergue un fil conducteur, à toi d’avoir l'intelligence de le retrouver dans ta bible. Il apparaît donc qu’il est vain de dialoguer avec toi. Car il semble que tu veuilles avoir raison à tout prix, de peur qu’en cherchant par toi-même l’indication que t’est proposée tu doives mettre en question tes dogmes éternels.
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De plus, tu remercieras tes experts en grec puisqu’ils confirment mes dires : « l’aoriste employé dans ce verset […] parle simplement de ce que le règne était parfaitement accompli dans le passé ». Aussi appuient-ils la traduction d’Ellul : « Il a régné ».
Ce qui diffère ensuite entre nous, c’est l’interprétation de cette nouvelle traduction, qui n’est plus le fait de faire du grec, de l’esquimau ou de connaître le cosinus du dogme, mais simplement d’interpréter. C’est autre chose ! Car cela signifie d’écouter le murmure. Le reproche fait aux théologiens est donc juste. Ne comprenant pas un texte, et le trouvant aberrant, ils ne le traduisent pas comme tel, mais ils l’interprètent d’abord, selon leurs vues, puis imposent leur interprétation dans leur traduction, au nom de leur science des langues. C’est de la subversion ! Qu’ils traduisent, on ne leur demande que cela. S’ils veulent interpréter, qu’ils éditent des livres et assument leurs interprétations sans la cacher dans l’écriture. Malheur à eux !
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Finalement, ton interprétation est tirée par les cheveux, tant tu cherches à faire dire qu’une chose passée est éternelle. En somme, à dire que la mort est la vie. C’est ce qu’on appelle nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
« Qu’il soit passé signifie qu’il est accompli dans le passé », dis-tu. Cela s’appelle une tautologie. Et tu rajoutes : « Cela ne signifie pas la fin du règne ». Ha, bon ? Il est passé, mais non fini ? Oui, dis-tu : « Le règne de Dieu viendra lorsqu’il sera établi “sur la terre comme au ciel”, le jour où l’on pourra donc en parler au passé, car il sera présentement accompli. » Oups… et c’est moi qui gnose !
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Ainsi donc, tu prétends qu’un bien-aimé a annoncé ses épousailles à sa fiancée, et qu’en attente des noces il combat et règne dans l'ici-bas où demeure encore sa future épouse. Et cela, afin de la garder des voleurs, des violents et de ses propres imperfections. C’est exact selon moi. Je le dis aussi. Enfin, en entrant dans sa résurrection, la fiancée entre dans les noces pour devenir épouse. Elle entre dans la maturité. Elle s’incarne dans un corps, cette fois incorruptible, où l’époux ne trouve rien de répréhensible en elle, et aussi dans une réalité autre où n’existent plus ni voleurs ni violents. Ce qui signifie que l’un et l’autre consomment leurs épousailles ! Plus rien ne les sépare. C’est exact selon moi, je le dis aussi.
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Et à ce moment, toi, tu arrives dans la salle des noces et tu dis : « Oui mais, l’époux continue de régner dans la réalité de son épouse. Il faut donc encore qu’il la protège encore des violents, de la tentation du péché, qu’il la convainque encore de ses imperfections, qu’il la sanctifie toujours, et qu’il ne cesse de la conduire vers ce qu’elle doit faire et ce qu’elle doit être ». Comme si elle n’était pas accomplie, somme toute. Faudrait savoir ! Je croyais « qu’il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur dans le monde-à-venir, car les premières choses ont disparu. » Je croyais que « les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge n’y ont pas accès. » Sur quoi dieu va-t-il régner ? De quoi et de qui va-t-il donc protéger son épouse ? Et dans quelle usine de travail va-t-il l’envoyer trimer ? Car les fils de l’homme n’auront plus là-bas la nécessité de travailler pour vivre.
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Voici ce qu’il en est pour toi en réalité. Ta vision de dieu est, si ce n’est machiste, carrément outrageante pour dieu. Il fait entrer des hommes dans une autre réalité, non pour les aimer et les rendre semblables à lui, leur donnant l’infini des possibles et la pleine liberté. Mais il les fait entrer pour qu’ils soient ses larbins sur lesquels ils règnent ; pour qu’ils accomplissent je ne sais quelle tâche dont Lui, dieu, aurait besoin. Il ne faut donc pas parler d’une épouse selon toi, mais de concubines, voire d’un harem, ou encore de bonniches.
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Concernant ta tentative de métaphore. Je cite : Ça ne préjuge absolument pas que Dieu arrêterait de régner. C’est un peu comme si tu m’entendais dire : « j’ai mangé » et que tu en conclurais abusivement que je ne mangerai plus jamais… »
Cette métaphore est légère. Pourquoi ? Parce que l’homme n’est pas un repas de dieu. Si dieu a cessé de régner sur nous, s’il a accompli son règne, c’est parce qu'il nous aura délivrés, qu’il nous aura conduits hors de la prison terrestre, hors des nécessités menaçantes : vers le royaume des cieux et sa liberté. Dira-t-il ensuite qu’il va encore régner sur nous après nous avoir précisément délivrés du joug des autorités, des rudiments du monde, des « ne prends pas, ne touche pas, ne goûte pas » ? Dieu aurait-il faim de régner, est-il boulimique de pouvoir ? Est-il un psychopathe ? Cela lui manque-t-il lorsqu’il ne règne plus ? Certes non ! Bien au contraire. Il ne prend pas plaisir à régner, car dieu n’est pas un pouvoir. Il est un vouloir. En effet, un pouvoir ne se partage pas ; aussi est-il par définition totalitaire. Or, dieu est infini, son pouvoir est donc ramené aux dimensions de l’infini. Or, un pouvoir qui n’a plus de limites, cela entraîne bien des choses : il peut être partagé, puis il se meut en des vouloirs infinis, et enfin il s’incarne dans l’amour. Dieu est en quelque sort un partageux, et j’emploie ce terme à dessein pour qui connaît l’histoire de la Commune. C’est pourquoi Ellul a raison : « Ce qui se substitue au règne, c’est la relation d’amour. Une autre relation, radicalement nouvelle s’établit : dieu devient un Époux ». Son règne étant fini, il nous fera entrer dans son amour, là où il n’y aura plus de règne pour nous. Tel était son projet. Et nous crierons, nous chanterons, nous sauterons de joie, car son amour sera accompli lorsqu’il dira : J’ai achevé mon règne, aimons-nous sans obstacle désormais !

4e et dernier intervenant : Bonjour LCJ. La lecture de vos commentaires m’inspire 3 ou 4 questions. S’il est possible de me répondre en essayant de synthétiser votre pensée par des expressions courtes, car je dois avouer que la rédaction de vos très longues interventions n’aide pas vraiment à la compréhension de votre pensée parfois complexe : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. » Voici mes questions suivant vos déclarations :
1) « Le christianisme est dans son essence “anarchique” » - Qu’entendez-vous par là ?
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2) « en exaltant le miraculeux on idéalise la vie chrétienne comme nous mettant à disposition une vie exempte d’échecs, d’erreurs, de souffrance et de maladies. » - Niez-vous que le miraculeux (non comme but mais comme moyen) autant que l’épreuve, participe aussi de l’œuvre divine selon qu’il est écrit : « […] les Gédéon, Barac, Samson, Jephté, David, Samuel, et les Prophètes, qui par la foi ont combattu les Royaumes, ont exercé la justice, ont obtenu [l'effet] des promesses, ont fermé les gueules des lions, ont éteint la force du feu, sont échappés du tranchant des épées ; de malades sont devenus vigoureux ; se sont montrés forts dans la bataille, [et] ont tourné en fuite les armées des étrangers. Les femmes ont recouvré leurs morts par le moyen de la résurrection ; d’autres ont été étendus dans le tourment, ne tenant point compte d’être délivrés, afin d’obtenir la meilleure résurrection. Et d’autres ont été éprouvés par des moqueries et par des coups, par des liens, et par la prison. Ils ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont souffert de rudes épreuves, ils ont été mis à mort par le tranchant de l’épée, ils ont été errants çà et là, vêtus de peaux de brebis et de chèvres, réduits à la misère, affligés, tourmentés. »
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3) « Aussi, n’est-il plus incarné ici-bas, n’est-il qu’Esprit. » - N’est-il pas incarné, matérialisé par le Corps des croyants, ici et maintenant ?
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4) « Le royaume de dieu » - vous écrivez le mot « dieu » sans majuscule comme d’autres l’écrivent « D.ieu ». Quel en est le sens pour vous ? En vous remerciant.

Akklésia : Je ne sais si user des conseils sur l’esthétique poétique de Boileau est à propos, ce sont des conseils qui servent à l’éducation scolaire ou aux salons parisiens de jeux littéraires assemblés autour de petits fours. Faut-il que le chrétien soit conforme à son temps : Qu’« il ait la démangeaison d’entendre des choses agréables et qu’il se donne des docteurs selon ses propres désirs » ? Je vois pourtant bien des choses difficiles à comprendre chez Paul dont les seuls 12 premiers chapitres de Romains sont loin d’être clairs comme de l’eau de roche, et d’un style littéraire fait au burin ; qu’en est-il en outre de l’Apocalypse, des trois premiers chapitres de la Genèse, du Cantique, et des innombrables difficultés des pensées des prophètes ? Voyons…
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Sans parler des paraboles du christ dont la pierre d’angle est la suivante : « Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point ; vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point. » Et pourquoi ? « Car leur cœur est insensible ; ils ont endurci leurs oreilles et fermé leurs yeux… » Le Christ ne fait que dire la chose suivante : « Je suis difficile à comprendre, car je ne pense pas comme vous. » C’est pourquoi la vérité est du domaine de la révélation, non d’une théologie apprise à l’école où on énonce des règles avec la clarté lumineuse de la logique. Échos repris d’ailleurs par l’auteur aux hébreux : « Vous êtes lents à comprendre alors que vous devriez être des maîtres ». Aussi ne voit-on fleurir que de la littérature anglo-saxonne pragmatique et simpliste, élaborée à grands coups d’expériences spirituelles, pour ne pas dire spirites, afin surtout de ne pas mettre en question le simplisme d’une théologie de winner/loser dont l’église se vante à grands coups de théologies prêtes à l’emploi.
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Nos meilleurs auteurs nous sont inconnus. C’est d’ailleurs cette recherche fainéante du facilement comprendre qui pousse le chrétien dans les églises où on lui sert les plats McDonad’s, là où il entend « La subversion du christianisme » pour reprendre l’expression d'Ellul. Comment pourrait-il lire le commentaire aux Romains de Barth, il décrochera à la dixième page, passant à côté de l’inspiration d’un véritable docteur du christ. Barth, lui-même, qui disait déjà du christianisme : « Pour eux c’est tout simple, ils sont quelques milliers à parler de Dieu, et puis il y a la chrétienté avec sa Bible… ils croient que c’est tout simple ; qu’on comprenne ou pas, qu’importe, on choisit comme dans un catalogue : on trouve que ceci est beau ou que cela c’est moins beau, etc. »
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À propos de ma réflexion sur « l’anarchie comme essence du christianisme », je me permets tout d’abord de vous conseiller le petit livre de Jacques Ellul : « Anarchie et Christianisme » car le rapprochement entre le christ et l’anarchie n’est pas une nouveauté. Vous trouverez quelques extraits de cet ouvrage sur ce lien. – Qu’est-ce que l’accomplissement de la promesse ? Qu’est-ce que le Royaume des cieux ? C’est en vérité l’élaboration de relations humaines que nous nommerions ici-bas péjorativement : l’anarchie. C’est un collectif sans autorité : an-arché. Ainsi est l’amour lorsqu’il est accompli ; il n’a nul besoin de cadres et de lois pour le brider, chacun « se garde lui-même », à l’instar de l’affirmation de 1Jn 518 : « celui qui est né de Dieu se garde lui-même ».
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Ainsi voyons-nous une telle relation se dessiner chez la Sulamithe, dans Le cantique des cantiques. Ses frères l’avaient destinée à la vie religieuse, à être sous la Loi : à « être gardienne des vignes » (16). Puis ils se sont irrités. Car durant son cheminement celle-ci abandonna le cadre de la loi. Elle bâtit avec son dieu une relation fondée sur la foi, seul principe dans lequel l’amour trouva la liberté qu’elle et lui recherchaient. C’est ainsi que la Sulamithe finit par conclure (811-12) : « Salomon (dieu) a eu à Baal-Hamon une vigne, qu’il a donnée à des gardes ; chacun d’eux doit en apporter pour son fruit mille pièces d’argent. Ma vigne, qui est à moi, je la garde, ô Salomon ! À toi les mille pièces, et deux cents à ceux qui gardent le fruit ! » ·
Que veut dire l’auteur ? N’est-ce pas que la promesse fut d’abord confiée à une garde religieuse, c’est-à-dire au tutorat des lois morales ? Sa mission ne fut donc qu’intermédiaire, afin d’éveiller les consciences, afin de faire connaître à l’homme sa culpabilité et ses devoirs : « c’est par la loi que vient la connaissance du péché », (rom. 320). Ce travail religieux coûte donc très cher en efforts, car atteindre la promesse en étant écrasé sous le joug de la conscience morale est terrible ; c’est en vérité impossible. Mais lorsque vint la liberté de la foi, lorsque vint le christ, l’homme reçut le pouvoir d’abandonner cette autorité : cette première domination, cette arché imposant ses œuvres et ses morales fut désapprouvée par le christ : la promesse viendrait sans cette condition, mais par la seule volonté arbitraire de dieu ! Et l’homme fut dès lors entraîné sur les pas de la Sulamithe. Il quitta les premiers gardiens de la promesse, il brisa leur joug de fer, et ceux qui s’y accrochaient en furent irrités au point de condamner le porteur de cette bonne nouvelle. Nous voyons donc la Sulamithe, à l’instar de ceux qui aiment le christ, entrer dans le processus de l’an-arché, dans le sans commandements. Anarchie apparaît dans cet exemple comme en filigrane. Pourquoi ? Afin que ceux qui « entendent ne comprennent pas et que ceux qui voient ne discernent pas » (mat. 1314). Car la révélation, n’en déplaise à Boileau, « ne se conçoit pas bien à l’esprit logique qui est assis aux pieds des divinités du bien et du mal, aussi ne peut-elle s’énoncer clairement à ces hommes trop intelligents. » Mais pour celui à qui elle est donnée, elle est « comme la lumière du matin dont l'éclat va croissant jusqu’en plein jour » (prov. 418). Tel est le témoignage de la Sulamithe.
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La Sulamithe reçut donc la promesse en elle-même. « Ma vigne, qui est à moi, je la garde », dit-elle. La promesse était désormais en elle, non plus à l’extérieur comme si elle attendait le règne terrestre d’un roi avec ses lois. Elle gardait cette promesse vivante en elle-même, de manière effective. Nul besoin d’en appeler à des professionnels religieux : elle quitta la tradition de ses pères. Elle cessa de suivre les conseils de ceux qu’elle appelle cependant encore ses frères : « elle ne consulta plus la chair et le sang » (gal. 116). Ils l’avaient encadrée par leurs antiques lois, et les prophètes lui avaient fait entrevoir la perspective d’une nouvelle relation avec dieu, mais désormais cette promesse était accomplie ! La Sulamithe l’avait touchée et avait été touchée par elle, elle avait connu son étreinte et avait reçu son sceau : rien ne pouvait plus la retenir aux œuvres de la Loi. Cette promesse, c’est le bien-aimé donc. Elle le suivait par la foi, se languissant de lui, jour après jour, sans savoir où elle allait, mais ayant confiance en lui. Elle vivait par la foi seule, cherchant à le rejoindre jusque dans ses demeures : dans la résurrection. L’intimité avec son dieu avait depuis ce jour la primauté sur tout : sur le collectif comme sur la tradition avec ses autorités.
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De fait, obtint-elle plus de richesses que le religieux. Pourquoi ? Car elle n’avait nul besoin de travailler à la vigne, c’est-à-dire à la promesse : elle ne payait d’aucun mérite pour obtenir le fruit de la promesse. « Ma vigne est à moi », dit-elle. La promesse était en elle. Elle en avait les fruits simplement par l’amour qui l’unissait à son bien-aimé. Aussi pouvait-elle Lui donner tout le mérite : les 1000 pièces d’argent. Elle était sous la grâce. De plus, elle pouvait encore ajouter 200 pièces pour les donner à la loi et aux prophètes. Pourquoi ? Parce qu’elle témoigne ainsi de sa reconnaissance aux œuvres de la loi ; celle-ci reste bonne en ce qu’elle est utile à ceux qui ne sont pas encore entrés dans la foi : parce qu’elle les prépare à cela. La Sulamithe, à l'instar du christ ne diabolise pas l’héritage de Moïse, bien au contraire. Elle reconnaît le ministère de la Loi et des prophètes – mais pour ce qu’il est uniquement. Comme Paul, elle reconnaît qu’il a un rôle « de tuteur et d’administrateur pour l’enfant, jusqu’au temps marqué par le père » gal. 42). La Sulamithe ne renia donc pas ses frères et leur attribua un mérite ; et bien qu’ils fussent irrités à son encontre, elle espérait qu’ils la rejoindrait. – Il en est tout autrement de l’église ! Car elle reçut la grâce, puis recula : sa situation est donc dramatique. Aussi vaut-il mieux judaïser que d’embrasser la grâce pour ensuite y inclure le levain de la Loi.
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Quoi qu’il en soit, la Sulamithe est une anarchiste. Son allégorie nous parle de la vie en christ, et plus précisément de cette vie dans la perspective du monde-à-venir qu’est la résurrection, c’est-à-dire la liberté. De même, être chrétien, c’est être anarchiste, mais non sous le rapport de la réalité ! Car la réalité ne peut être transformée que par la résurrection des fils de l’homme ; c’est pourquoi cet anarchisme-là est respectueux du gouvernement terrestre. Mais n’attendant et n’espérant rien de lui, il l’offense plus que quiconque. En effet, alors que la réalité se nourrit de ses amis comme de ses ennemis, elle ne trouve ni l’un ni l’autre dans cet anarchisme, aussi n’a-t-elle que le désir de le supprimer tant la désillusion qu’il lui témoigne annonce son jugement à-venir.
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Concernant les miracles. Pour ne pas rallonger excessivement ma réponse, je vous invite à lire le cahier : « le jugement des miracles » sur mon blog. – Bien entendu que « le miraculeux participe comme l’épreuve participe à l’œuvre divine ». D’ailleurs, quelle drôle de question me posez-vous là ! Bien que je voie clairement la raison pour laquelle vous la posez ; je ne m’étendrai pas là-dessus cependant. Bref, comme si une chose pouvait se produire qui ne participe pas de l’œuvre de dieu ! Comme si des choses échappaient à dieu ! C’est ridicule, pour ne pas dire méchant, d’oser soupçonner l’autre qu’il sous-entende que dieu soit limité. Jamais une telle idée ne m’est venue de dire que des choses échappent à son œuvre : tout concourt ! L’épreuve et la souffrance, tout comme des circonstances exceptionnellement favorables peuvent conduire au christ ; et de même qu’elles peuvent en éloigner! La question n’est pas là ! Le problème est de faire de l’épreuve ou de la souffrance une théologie, de même que de faire du miracle et de la réussite une théologie : c’est bonnet blanc et blanc bonnet. La seule théologie, c’est la foi seule dans la perspective de la résurrection. Pour le reste, il n'y a que des cas ; et toute généralisation théologique d'un cas, ou de quelques-uns, à tous, partout et toujours, cela devient inévitablement sectaire. Or une secte n’est qu’une église ou une religion en gestation.
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« L’Esprit du christ n’est-il pas incarné, matérialisé par le Corps des croyants, ici et maintenant ? » Non ! La collectivité n’est pas un être. Tout Corps collectif est une élaboration humaine. C’est de l’homme que ce « corps » reçoit un nom et une identité ; l’homme s’en sert pour manifester telle ou telle idée « pure » et universelle qu’il nomme vérité. Mais aucun corps collectif n’est un être ! Cela vaut autant pour l’Église que pour un État ou un Empire. C’est pourquoi le mot « ekklésia, assemblée » est dès l’origine de nature politique dans le monde grec ; de même que dans l’AT l’idée du collectif tend à l’élaboration d’un État. L’homme tente d’incarner sa vérité dans la réalité, ou encore d’enchaîner la révélation dans le cadre d’un collectif dont la mission serait de gouverner le monde : c’est la subversion du christianisme. En forçant la vérité à être une masse collective, il veut la faire apparaître puissante par le plus grand nombre possible, à la vue charnelle de tous. Il construit donc le divin à son image, comme s’il était un être obtenant la victoire par la force, par la force de la plus grande masse.
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Quant à dire que le lien d’amour entre les uns et les autres peut être une manifestation de dieu : c’est vrai. Cependant, on ne peut aimer que ce qu’on serre dans ses bras, et quiconque prétend aimer chaque-Un, au sein d’un peuple constitué de millions de personnes, c’est un menteur, ou un politicien, ou que sais-je encore. C’est pourquoi il est dit : « Là où deux ou trois se réunissent en mon nom, je suis au milieu d’eux » (mat. 1820). Non pas « là où mille ou deux mille », car mille hommes qui s’aiment, ça n’existe pas, c’est une chimère ! C’est un enchantement. Ce ne sont que des mots trompeurs. Pour s’aimer en vérité et réellement, il faut être peu. Même sur toute une vie je doute qu’un homme puisse en aimer mille autres en vérité.
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La théologie de l’église « corps du christ », prise au pied de la lettre, c’est une supercherie. Il aurait fallu en rester aux paroles du christ : « C’est en cela qu’ils connaîtront tous que pour moi vous êtes des disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (jn. 1335). La relation aimante entre deux ou trois évoque le christ, mais elle l’évoque en tant qu’Être qui se surajoute à ces deux ou trois. Ce ne sont pas ces deux ou trois qui sont le christ, c’est par leurs liens qu’Il se manifeste, mais de manière invisible, comme restant dans l’incognito. C’est pourquoi il est dit : « je suis au milieu d’eux », c’est-à-dire comme un être en plus, sans que les autres soient en moins. Chaque-Un existe tandis qu’un même esprit les unit. S’il n’y avait qu’un Être, où chacun ne serait qu’un bout de son corps, nous dirions que tous sont annihilés — hormis l’ego de ce dieu monstrueux ! Même la mort n’a pas un tel pouvoir, car ceux qui meurent éternellement conservent encore une conscience individuelle : c’est le feu des regrets éternels avec leurs culpabilités.
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Toute collectivité prétendant incarner le christ, comme si l’heure et le lieu de sa réunion Le convoquaient, c’est une idole. Le concret c’est l’homme individuel. C’est pourquoi l’individu peut être sans le collectif, tandis que la collectivité ne peut être sans l’individu. Ainsi, la collectivité n’est pas le temple de dieu, l’homme seul est le temple de dieu, et seule la passion qui unit les uns aux autres peut évoquer la vie spirituelle déposée en chaque-Un. Le corps, c’est du physique, et donner à un dieu un corps réel fait de la somme de corps physiques humains, c’est faire du divin un monstre.
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Par contre, il existe sur terre des corps intellectuels, moraux et spirituels, c’est-à-dire unis par des mêmes valeurs intellectuelles, morales ou spirituelles. C’est pourquoi le corps c’est l’esprit, et s’il y a un seul corps c’est parce qu’il y a un seul esprit (éph. 44). Or, la particularité de l’esprit du christ est unique : « l’Esprit souffle où il veut, et on ne sait d’où il vient ni où il va. » Aussi est-il impossible de le convoquer. Sa présence n’est pas assurée parce plusieurs confessent le même credo, chantent le même cantique ou sont membres de la même association cultuelle. On n’oblige pas l’Esprit. Ce qui n’est pas le cas pour tout autre corps intellectuel, moral ou religieux. Une commission scientifique qui s’assemble convoque en fait l’esprit de sa science ; de même qu’une assemblée judiciaire qui se réunit convoque l’esprit de sa morale, etc., etc. À se demander quels esprits sont présents lors de ces réunions dites chrétiennes, puisqu’elles certifient, qu’en tant que corps du christ, son esprit est sommé de se manifester en tel lieu et à telle heure. Dieu aurait-il soudainement perdu la liberté qui lui est propre ? En ce cas, l’église, c’est dieu. Le jugement de l’ekklésia est donc juste.
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Écrire le mot « Dieu » avec ou sans majuscule a-t-il un sens pour moi, me dites-vous. Ça n’a aucune signification, pas plus qu’écrire « Christ » ou « christ ». Je prends soin de l’esthétique typographique dans mes textes destinés au papier par contre, ainsi que dans mes pdf, et aussi dans mes articles qui demeurent sur mon blog. Les forums ont moins mon attention à ce propos, par facilité et aussi par paresse, je suppose. Prendre cette liberté, c’est aussi vilipender quelque peu une certaine sacralisation de la lettre. Je pense que l’amour et le respect pour le christ se placent ailleurs que dans la lettre et l’encre d’une majuscule. Les superstitieux sont risibles à ce propos, ceux qui aiment écrire de manière débilitante et mystique « d.ieu », et cela pour imiter l’antique judaïsme qui pense être foudroyé si par malheur il prononçait ou écrivait le nom de dieu. C’est une manière toute chrétienne de parader avec ses phylactères, de s’afficher hypocritement comme « spirituel » en écrivant « D.ieu ». Laissons donc la trompette aux stars, et cherchons le murmure !

Ce texte est publié dans un recueil avec d’autres dialogues.

Présentation du recueil : Échanges [↗︎]