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Ivsan Otets

AUTOMNE 2011

Révisé à l’automne 2022

Format A5 : 18 pages

Ce texte est publié dans un recueil de 14 écrits d’Ivsan Otets.

Présentation du recueil : La défaite des évidences [↗︎]

À propos : En écrivant une chronique des Juges, l’auteur construisait en réalité un réquisitoire contre les Juges. L’auteur — ou le groupe d’auteurs — s’est servi d’un fond historique qu’il a ensuite remanié afin de prouver à ses contemporains que l’engendrement de la royauté judéenne était voulu par Dieu. Le leitmotiv du texte est d’affirmer qu’à l’époque où Israël était encore sans royauté et sans administration pour organiser le peuple, celui-ci faisait ce qu’il voulait. Les Juges n'ont pas réussi à vaincre l’anarchie inhérente à l'absence d'un roi : ils sont en échec.

Le livre est donc un livre de propagande écrit par les vainqueurs qui ont manipulé l’Histoire à leur guise. C’est pourquoi les chercheurs ont parfaitement raison lorsqu’ils soulignent les lacunes du texte et il serait vain d'entrer sur leur terrain pour essayer d’en couvrir les anomalies ainsi que l’évidente propagande dont il fut le support. Toutefois, faut-il s’arrêter là et définitivement affirmer que le texte est sans inspiration parce qu’il n’est pas le parfait décalque de la réalité historique ?

Certainement pas prétend Ivsan Otets. Tout au contraire. Désormais libéré par la critique littéraire, l’homme de foi peut enfin lire un texte sans le sacraliser. Le livre a enfin perdu son statut sacré et le lecteur peut respirer. Il remerciera ainsi la critique pour son travail ingrat puisqu’elle lui a donné le droit de questionner le texte. Car l’inspiration se trouve précisément en dehors des chemins de la logique. Il faut laisser aux serviteurs de l’absolu et de la perfection les règles de la nécessité par lesquelles sont régies leurs sciences ; il faut leur laisser leurs dieux, ceux dont l’inspiration est précisément asservie à la logique et qui doivent sans cesse se justifier par des preuves visibles et tangibles.

L’inspiration se moque de tout cela et elle n’est pas bigote. Elle peut fort bien s’épancher entre les mots d’une propagande et le reste ténu d’un fond historique peut fort bien lui suffire pour clamer quelque chose de profond. En somme — il faut apprendre à lire Dieu ! C’est vers cet apprentissage que tend ce court commentaire du livre des Juges au travers du personnage de Samson. Samson — l’indomptable — tels que le sont toujours les inspirés.

Samson l’indomptable

extrait

PAGE 9

Tout comme Samson, le légendaire Achille enthousiasme les foules et on chante son titre de demi-dieu tant qu’il se bat héroïquement aux côtés des armées grecques sur les plaines de Troie. Mais lorsqu’il déserte l’armée, plein de colère envers le roi Agamemnon à cause de la belle Briséis, il devient indigne. Le gaillard n’est pas fiable, il est inconstant. Il est incapable de paître le peuple et d’occuper une charge internationale tant ses caprices le contrôlent. Bien des chercheurs reprochent d’ailleurs aux héros d’Homère « d’être particulièrement sujets à des sautes d’humeur rapides et violentes ; de souffrir d’instabilité mentale ». On préférera donner le sceptre du pouvoir à l’empereur philosophe Marc Aurèle, fervent stoïcien, gardien de l’éthique et accusateur des passions. Qu’il guerroie autant qu’il le désire, qu’il agrandisse l’Empire ou qu’il le défende bec et ongles, comme il le fit réellement, mais qu’il soit un humain et non un demi-dieu incontrôlable ; sinon, on frappera son talon d’Achille, on coupera sa chevelure, on flétrira sa gloire. On le fera chuter ! L’homme oint de Dieu est donc celui dont la conduite humaine est normale, équilibrée. Dans le cas contraire on lui diagnostiquera un désordre psychique ou démoniaque, et bien souvent un peu des deux. De sorte qu’aucun prophète biblique, ni même le Christ n’auraient aujourd’hui un traitement différent de celui qu’ils connurent de leur vivant. Ceux qui honorent leurs tombeaux sont d’ailleurs les plus virulents ; l’idée que les prophètes aient pu être « anormaux » est à leurs yeux un terrible cauchemar.

PAGE 18

Être endormi, pour un prophète, c’est être mort. C’est l’abandon de l’onction, c’est-à-dire l’impossibilité de voir. Les yeux de Samson sont crevés. Commence pour lui un long calvaire. Il est certes mis en avant comme un trophée glorieux, il est applaudi, il fait la joie des élites et anime les cérémonies du culte avec talent, mais « son Dieu s’est retiré de lui » ! Il est enchaîné à un système politico-religieux qui lui réclame, non plus de brûler les dogmes et les traditions, mais de les moudre pour en faire un pain de servitude aux hommes.