L’ÉPÉE DE LA PROPAGANDE


LE DERNIER DUEL
DE RIDLEY SCOTT


Dernier Duel Akk
I - Toute image est maudite

Si vous envisagez de regarder le film de Ridley Scott, Le dernier duel, sachez qu‘il vous faudra supporter l‘irradiation de sa propagande durant deux heures et demie ! Armez-vous donc d’un esprit qui discerne, finement, hautement et profondément. Il vous protégera tel un pavois royal. Car l’engeance cinématographique est une race de bêtes vicelardes autant que savantes. Elles dissimulent dans leurs scénarios de multiples bactéries et de puissants virus dans le but de vous métamorphoser en une cervelle-œil. La preuve en est de ces milliards de brebis nourries par le cinéma et qui désormais ne pensent qu’avec les yeux.

Je rappelle en effet que le cinéma n’est pas un art. Le cinéma est l’Industrie du divertissement. Une industrie indispensable. Bien plus, car cette industrie est en vérité un corps d’armée. Le plus terrible qui soit au sein de cette force par laquelle les populations sont gouvernées : la Propagande. L’Industrie Cinématographique est un Général d’Armée des Forces de la Propagande. Son pouvoir est en cela presque total, car si d’autres Généraux lui sont égaux, il n’existe qu’une seule puissance supérieure devant laquelle l’Image se doit de mettre genou à terre. Je parle bien sûr de la force-Reine : l’Argent.

Mais pourquoi les Techniques de l’Image sont-elles devenues si redoutables en entrant dans la modernité ? Parce qu’Homo festivus – en référence à Philippe Muray – est totalement incapable de lire l’Image. Sous toutes ses formes. Que l’Image soit télévisuelle, publicitaire, ou bien sûr cinématographique. C’est pourquoi Homo festivus, cet homme vendu à la fête, engendré par la fête et fait pour la servir, cet homme drogué à la jubilation, cet homme-là boit l’urine et mange l’excrément de la Propagande dans les auges du cinéma — en se délectant ! Étant absolument inapte à décrypter l’image, il mange donc de la merde, qu’il regarde comme un plat délicieux et artistique. Le plus tragique dans ce geste est qu’il puise dans cet aliment une véritable énergie vitale pour animer son existence d’Être-jubilant. C’est-à-dire que son corps, son être même a été transformé. Pour le dire autrement rappelons cette citation très petite-bourgeoise de Cocteau, souvent mentionnée avec complaisance pour glorifier l’industrie cinématographique : « Le cinéma est l'écriture moderne dont l'encre est la lumière ». S’y retrouve le parallèle entre lire un livre et regarder un film. Or, un lecteur ne comprend pas que sa capacité à lire sert le plus souvent d’arme de propagande contre lui-même. De même, le spectateur ne sait pas que les Images lui sont prodiguées contre lui-même, afin qu’il s’auto-dégénère – parce qu‘il les lit sans les lire ! Parce qu’il « entend sans comprendre et regarde sans voir » (cf. Mat. 1314-15). L’Évangile l’a dit, d’autres l’ont dit avant ; voilà plus de deux millénaires que de multiples anonymes, des penseurs et des inspirés l’ont dit. Ça ne sert à rien. Les hommes adorent être enfumés par la Propagande. Car ils veulent croire que la Propagande accouchera de ses promesses. C’est leur consolation. Certes, la Propagande les dévorera, mais le plaisir d’être dévorés par les dieux de l’Image les fait tellement jubiler qu’ils se moquent de finir en matière fécale dans les latrines de leurs Maîtres. Assurément, tous les travailleurs du Monde de l’Image, le Cinéma en tête et son premier avatar qu’est le Journalisme moderne, sont des égoutiers. Car la matière qu’ils traitent est réellement la merde du monde : l’Image.

C’est pourquoi toute communication par l’Image est une communication maudite. Et la parole la plus percutante sur ce point est le fameux : « Car c’est par le fruit qu’on connaît l’arbre. » (Mat. 1233). En effet, qu’est ce que « le fruit » ? Pour le monde hollywoodien ou journalistique, et pour le diabolique plus généralement – le fruit, c’est l’Image avec sa puissance de conviction – c’est l’action en somme. Pour l’inspiré, le fruit, c’est lire ce que l’esprit distille, c’est essentiellement discerner le propos, ce qui sort de la bouche – le verbe en somme. Ce sont deux mondes qui s’affrontent ici. L’un est celui de la non-foi et l’autre celui de la foi. Notre réalité, ce monde de la preuve où brillent les éboueurs de l’image tel que Ridley Scott, c’est celui où la confiance a été crucifiée, où il n’est nul besoin d’aimer, où l’esprit n’est plus, où le dieu-Image règne et transperce tous les doutes de ses attestations visibles. La philosophie de Kierkegaard a exprimé cela de manière brillante dans les deux citations suivantes : « L’Esprit est la négation de l'immédiateté directe » et : « L’impossibilité de la communication directe est le secret de la souffrance du Christ ». Plus vous communiquerez directement, par l’image, plus vous tuerez l’esprit en vous et plus vous remplacerez l’Amour par l’Adoration, par l’applaudissement médiatique. Car aimer, c’est le fait d’avoir confiance en une parole donnée, sans nul besoin de preuve par l’image. Et c’est précisément une chose inconnue à l’image, à la preuve scientifique qui est son pendant et à la dogmatique en général. C’est un monde qui leur est étranger, qui leur apparaît même dangereux parce qu’il ne s’appuie pas sur une immédiateté directe, sur une dualité claire et tranchante. C’est pourquoi le porteur d’images, de preuves, de formules exactes ne peut être aimé mais seulement adoré tout comme on adore le Bien et qu’on hait le Mal. Tel est le dieu-Image, lequel récompense en abondance ses serviteurs en les honorant de ses Palmes d’or. Un or maudit parce que son essence est l’Adoration, tandis que croire sans preuve à la parole de son ami, c’est l’aimer, c’est être délivré de ce maudit statut d’adorateur.

II - Malicieuse Interactivité

Concernant le film qui est l’objet de mon propos, je ne reviendrai pas sur sa narration à proprement parler, si ce n’est pour la compréhension de ce que je désire affirmer. De plus, je ne crois pas que je serai compris puisque je veux essentiellement parler de ce que la majorité des spectateurs ne voit pas : le poison. Le narcotique toxique de Dame Propagande. Assurément, il est injecté à l’aide d’une seringue indolore et hypnotique, c'est-à-dire que la seringue cinématographique est riche en termes de talents techniques et de charismes divers. Le visionnage est de fait plutôt plaisant. La production enfile des perles d’images, de sons, de costumes et de personnages sur un joli collier, et vous présente le tout comme une histoire intelligente et bien sûr interactive. Le spectateur ne suspecte rien. Le film est son ami !

Tout d’abord, sachez que la narration est faite de sorte que vous regardiez et entendiez la même histoire trois fois. Car on vous fait participer et on vous convoque pour que vous donniez votre avis. En effet, il est question d’un procès qui eut lieu au XIVe siècle et dont il est impossible aujourd’hui de dénouer toutes les contradictions qu’il comportait alors. Il est impossible de connaître définitivement ce qui s’est réellement passé ! Le scénario va donc vous exposer les faits et vous inviter à juger, à produire votre propre verdict. C’est bien sûr un piège, le piège classique de l’interactivité comme diversion. Puis, in cauda venenum, dans la queue le venin ! On vous injecte par derrière ce que l’on veut que vous pensiez.

III - Un faux « Dernier duel »

Voici donc. Jean et Marguerite, mari et femme, entament une procédure judiciaire contre Jacques. Le couple accuse avec véhémence Jacques d’avoir violé madame. Mais ce dernier le nie de toutes ses forces. Quant aux autorités, elles ne parviennent pas à juger l’affaire à cause de l’absence de preuves incontestables. Après auditions et enquêtes, le flou demeure. Le puissant comte d’Alençon qui protégeait Jacques ne peut lui-même rien faire car il doit se soumettre au Roi et au Parlement de Paris. Enfin, ces derniers ordonnent de s’en remettre à Dieu ! Il y aura combat à mort entre Jean et Jacques. Le vainqueur sera celui que le ciel désigne comme ayant dit vrai. Et si Jean est tué, son épouse sera elle aussi mise à mort pour avoir calomnié un chevalier. Et pour exciter encore plus l’emprise du scénario sur le spectateur, la production suggère que ce fait historique fut réellement Le dernier duel judiciaire dans l’Histoire de France ! D’où le livre d’Eric Jager, Le Dernier Duel : Paris 29 décembre 1386, dont s’inspire le film.

Dans ce livre, on découvre néanmoins que cela n’est pas vrai. Car l’auteur nous apprend que si le Parlement de Paris n’autorisa plus par la suite les demandes de procès par combat, pendant un siècle au moins la pratique des duels judiciaires se poursuivit dans des régions de France qui échappaient à la juridiction du Parlement : en Bretagne, ou dans les Flandres sous contrôle bourguignon, comme d’ailleurs dans le reste de l’Europe où persista le procès par combat, particulièrement en Grande-Bretagne. Eric Jager nous dit par exemple que c’est seulement en 1819 que le procès par combat fut interdit en Angleterre, 433 ans après l’histoire qui nous est contée ! Le procès par combat entre Jean de Carrouges et Jacques le Gris ne fut donc pas le « dernier duel ». Des dizaines d’autres eurent lieu après lui, en France et dans toute l’Europe. Il s’ensuit que le film, par son titre même, commence et repose sur un mensonge. C’est un « duel », certes, mais ce n’est pas le « dernier ». Or, c’est précisément sur cette idée de « dernier » que toute la propagande du film fait reposer son propos. Il s’agit en effet de dire que notre actualité est la scène du « dernier » combat alors que nous entrerions dans une ère nouvelle et inédite.

IV - La propagande commence par le viol de l’Histoire

Nous voici donc entraînés à suivre l’enquête d’un procès. C’est pourquoi le film nous expose l’histoire 3 fois, selon 3 points de vue : celui de Jean, celui de Marguerite, et celui de Jacques. Il faut y passer si nous voulons, nous aussi, prononcer notre sentence personnelle, comme Dieu le fera à la fin, lors du divin climax. Le spectateur patiente donc, avec courage. Et il patiente d’autant plus qu’il sait que la récompense viendra puisque le film est introduit par cette promesse : ne crains pas, tu assisteras au combat final ! Le duel sera donc d’autant plus délicieux qu’il se sera fait attendre. Mais surtout, et la clef est là. Le spectateur ayant eu tout le temps pour construire son verdict, il sera alors en droit : soit d’être en accord avec Dieu, soit de L’accuser d’injustice et finalement de Lui ôter le droit de juger.

Pour ce qui me concerne. Je me moque totalement de savoir « La Vérité ». Je n’entre pas dans ce jeu débile d’interactivité pour gosses à qui on prétend conter l’Histoire pour mieux les manipuler. Et je me moque même que l’auteur du livre, Eric Jager, par intime conviction, penche plutôt pour donner foi au témoignage de Marguerite. Qu’il se trompe totalement, ou en partie, ou que le film ait raison en soutenant le parti de Jacques, je m’en contrefous ! Une seule chose m’intéresse : je veux entendre ce que ces Hollywoodiens pervers veulent réellement nous dire. Ce qu’ils veulent injecter dans notre tête. C’est pourquoi il me plaît de leur botter le cul et de les déloger du lieu où ils se cachent, là-bas, derrière leur mécanique habituelle du jeu infantilisant mille fois écrit : « Es-tu pour Jean ou pour Jacques ? Ou peut-être pour le couple Marguerite-Jean ? Ou encore pour le couple Marguerite-Jacques ? »

En vérité, ces crapules d’industriels du cinéma occidental, et surtout « extrême-occidental », prétendent lire la problématique telle qu’ils vous la présentent. Mais c’est faux. Ils mentent encore. Lorsqu’ils affirment, eux aussi, faire partie des jurés, réfléchir au verdict, c’est uniquement pour vous convaincre de les rejoindre, pour que vous acceptiez ce rôle et pour, de là, vous manipuler. Car en eux-mêmes, intimement, ils ont totalement remanié la lecture de cette histoire pour faire porter le fond du problème absolument ailleurs. Ils ne sont pas dans la salle des jurés avec vous. Ils ne jouent pas à leur propre jeu. Ils sont ailleurs. Le supposé viol, les difficultés de Jean, l’ambition de Jacques... Ils s’en moquent.

Eh oui, eux aussi se foutent totalement de savoir si Jean a forcé son épouse à mentir pour régler un compte personnel, une sorte de jalousie qu’il aurait eue à l’encontre de Jacques et de son protecteur le comte d’Alençon ; ou encore, si Marguerite a dit la vérité alors même que son mari s’apprêtait à devenir un héros sacrifié pour son aimée outragée, etc. Pff ! Ridley Scott et sa clique – N. Holofcener, M. Damon, A. Driver, B. Affleck, J. Comer – se fichent éperdument des multiples « versions de vérité » qu’ils vous demandent d’imaginer en vous honorant de la robe de juge ! Ils font simplement semblant d’être juge et jurés avec vous. Ils simulent d’être fraternellement à vos côtés, pensant et délibérant avec vous. Mais en vérité, une seule chose les intéresse : que vous pensiez le Monde comme eux le pensent !

Et pour cela ils vont bien sûr tordre les personnages à leur guise. Ils vont leur impartir le caractère et la vision du monde nécessaires de sorte que ces figurines – leurs poupées vaudou – viennent briser vos défenses intellectuelles puis triomphent de vous. C'est-à-dire qu’ils ont contraint l’Histoire muette de ce XIVe siècle à dire ce que l’épée de leur Propagande déclare qu’elle doit dire. Car ils ont mis dans sa bouche leurs propos et ils lui ont donné leur langue. La chose est sérieuse, sacrée même, doctrinaire comme pouvait l’être un bolchevique en 1917. Ces hommes-là ne jouent absolument pas. De fait sont-ils plus dangereux même qu’un fanatique religieux, car ils sont convaincus que l’Histoire, à travers leur capacité démiurgique de cinéastes, parle réellement de nouveau. Oui, oui ! Ils sont convaincus d’avoir réussi ce prodige : faire parler un muet mort depuis 635 ans grâce aux figurines magiques du cinématographe.

Et ce qu’ils désirent, bien sûr, c’est que vous entendiez et soyez convaincus du discours qu’ils arrachent à l’Histoire grâce au génie enivrant du cinéma, ce prodigieux forceps qui donne littéralement vie à des chimères qu’il s’est lui-même façonnées. C’est pourquoi ils vous placent là, sur le banc des jurés, pour écouter l’Histoire et surtout entendre, en fond, ces poupées qu’ils ont soigneusement habillées vous chanter un prodige qui n’existe pas, un prodige qui n’existe que dans leurs cerveaux. Ils veulent finalement que vous deveniez, comme eux, un violeur de l’Histoire. Car il s’agit bien de violer une Histoire qui n’a pas voulu dévoiler ses secrets, pour lui donner l’ordre, ensuite, de les reconnaître, eux, les propagandistes, comme Père de l’enfant-monde d’aujourd’hui. Cet enfant qu’une morte leur a enfanté dans une salle obscure. On savait le monde du cinéma, de ses acteurs, techniciens, réalisateurs, scénaristes, producteurs, musiciens... baignant dans la pédogenèse, que j’explique plus bas. Les voici de nos jours versant dans la nécrogenèse.

V - Robert de Thibouville vendu aux Anglais

Permettez-moi désormais de m’arrêter quelques instants sur un personnage qui n’apparaît que subrepticement bien qu’il soit l’un des murs porteurs du scénario. C’est le père de Marguerite, Robert de Thibouville. Ce dernier est présenté comme ayant été un traître dans le passé. Mais au moment où se déroule notre intrigue, il avait déjà été pardonné par le roi nous dit-on. De sa supposée trahison, on ne nous dit qu’une seule chose : il serait passé du côté anglais ! Tiens donc, « l’homme a une âme d’Anglais... » Pff ! Un tel résumé historique est typique des propagandistes qui ont tellement besoin de métamorphoser l’Histoire au service de leurs dogmes. C’est grossier, c’est vicieux, c’est mensonger et manipulateur. C’est vomitif. Car c’est ignorer La Charte aux Normands de 1315. La Normandie se trouve en effet, économiquement parlant, entre la Manche et la Seine. Les propriétaires fonciers ont donc des possessions des deux côtés de la Manche. C’est pourquoi ils se sont regroupés en clans solidaires afin d’obtenir que la Normandie ait une large autonomie. La Charte offrait à la Normandie des garanties en matière juridique, fiscale et judiciaire, mais étant régulièrement violée, elle deviendra alors le symbole de la contestation normande. Comme des dizaines de nobles normands, Robert de Thibouville défendait cette autonomie à l’aide des jeux politiques habituels. Il se rangea par exemple dans le camp de Charles de Navarre, prétendant au trône de France, puis fut pardonné en 1360 avec trois cents autres rebelles normands.

Autre détail délicieux lié à Robert de Thibouville : la dot de sa fille.

I. Le film nous dit que Jean voulait que la dot inclue la riche terre d’Aunou-le-Faucon et que le père de Marguerite accepta sans trop discuter.

II. Le film nous dit que le comte d’Alençon envoya Jacques, qui travaillait pour lui, auprès de Robert de Thibouville afin que ce dernier honore ses dettes. Devant l’insolvabilité de Robert, Jacques réclame à « l’ancien traître » la terre d’Aunou-le- Faucon. Jacques accomplit donc son travail pour le Comte.

III. Le film nous dit que le Comte donna cette terre à Jacques pour le remercier de sa perspicacité, mais aussi, semble-t-il, comme signe de leur accointance. Ainsi donc, lorsqu’ensuite Jean, marié, ouvre un procès pour récupérer cette terre, nous sommes naturellement prompts à le défendre tant l’injustice nous paraît évidente.

C’est un piège. Le djinn d’Hollywood nous met un coup de coude afin que nous pleurions sur Jean, mais surtout, afin que nous maudissions Pierre d’Alençon et tout ce qui touche a la réalité française. En réalité, les faits relatés sont fort inexacts.

C’est en 1378, nous apprend Eric Jager, deux ans avant le mariage de Jean, que « le comte Pierre combla Le Gris de ses largesses : il lui offrit un domaine vaste et précieux, Aunou-le- Faucon, qu’il venait lui-même d’acquérir récemment. Ce cadeau dédommagea Le Gris pour services rendus, notamment la somme étonnamment élevée qu’il venait de prêter. [...] Quand deux ans plus tard Jean se rend compte qu’il aurait pu lui-même acquérir ce fief comme partie de la dot de sa femme, il porta l’affaire devant les tribunaux. » Il conteste donc la vente d’Aunou-le-Faucon alors que son acquisition ne se fit absolument pas dans l’esprit mafieux que le film suggère. Sachant cela, le spectateur aurait alors trouvé Jean de mauvaise foi et le comte d’Alençon dans son droit.

VI - Vive l’Angleterre et à bas la France !

En déformant ainsi la biographie de Robert de Thibouville la puissance hollywoodienne nous souffle que Marguerite a reçu des valeurs et une éducation particulières grâce à son père. Elle est donc différente des autres femmes de la noblesse française. Elle sent l’Angleterre ! C’est la raison pour laquelle elle sait lire et qu’elle est intelligente. Elle va, ainsi, gérer le domaine de son mari avec talent. Elle va le redresser, car la gestion de Jean était pitoyable, elle va même le faire prospérer. Elle est finalement comme Jacques, car lui aussi a le savoir et l’intelligence pour prospérer, pour faire des affaires, et même pour réussir politiquement. Jacques sait lire, écrire et il a appris à tenir des comptes. Il sait même le latin !

Quant à Jean, lui. Il est de vieille tradition. Il n’a pas évolué. Il est presque barbare. C’est un guerrier. Il ne se sait pas lire. C’est pourquoi il est au bord de la faillite tant il n’a aucune capacité à faire fructifier ses biens. C’est un idiot, presque un attardé mental. Il traite d’ailleurs sa femme comme un bien, comme une propriété. Lorsque Marguerite lui apprend le viol, sa réaction est celle d’un mâle des cavernes : « Venez, je ne permettrai pas qu’il soit le dernier homme à vous avoir touchée ! » Marguerite devra obéir et subir finalement, dans la même journée, un second viol de la part de son mari. Soit donc, si elle ne parvient pas à lui faire d’enfant, c’est fort simple, c’est parce qu’il l’empêche de s’épanouir. Le médecin ne s’y trompera pas. Car en constatant que Marguerite n’enfante pas, il lui demande expressément si elle a du plaisir sexuel lors de ses rapports avec Jean. C’est un point essentiel qui sera même publiquement rappelé lors du procès puisqu’il est un élément crucial de la sorcellerie scénaristique.

Bref, c’est certain, Marguerite est délicate, fine, et intellectuellement puissante. Elle est tout le contraire de Jean ! Pourquoi ? Parce qu’elle a reçu de son père une éducation tournée vers l’Angleterre ! Une éducation tout en modernité ! Quant au conflit qui oppose Jean à Jacques, c’est un conflit injuste pour Jacques car ce dernier est loyal et n’a jamais renié l’amitié qu’il a pour Jean, il est seulement victime de son extraordinaire réussite et de la jalousie qu’elle suscite chez Jean. C’est le vieux schéma du « winner contre loser » qui plaît tant aux Anglo-Saxons.

Les deux partis opposés que le film nous décrit en prétendant suivre la ligne historique sont en vérité totalement différents de leurs postures narratives apparentes. Derrière le rideau, voici comment le scénario envisage le véritable duel : d’un côté se trouve la modernité et le monde à venir, où l’on retrouve l’élégance, le talent, l’audace, le pragmatisme honorable, et bien sûr la liberté face aux mœurs ancestrales. Ce parti est représenté par Marguerite, par Jacques et par les terres d’Angleterre comme matrice de cette réalité qui vient ! De l’autre côté se trouve le monde moribond des âges sombres, un monde sexiste et religieux. Il est représenté par Jean de Carrouges, par le comte d’Alençon et par le Roi de France, un gamin de 18 ans. Il est fait de rudesse, d’ignorance, de la rancœur des perdants et de leur hypocrisie politique où des prédateurs et des mafieux obtiennent le pouvoir par la guerre et le chantage. Enfin, ne vous étonnez pas si le début du narratif vous poussait à avoir une certaine empathie vis-à-vis de Jean alors qu’il est petit à petit dépeint comme nauséeux. Ce procédé est classique. Il est constitutif d’une propagande de haut niveau qui cherche toujours à créer des troubles dissociatifs chez l’individu pour faciliter ensuite sa prise en main et sa réification.

VII - Le violeur est le véritable époux

Le second événement intéressant à propos de la poupée « Robert de Thibouville » concerne la dot de Marguerite et plus particulièrement la terre d’Aunou-le-Faucon. La chose est ici plus subtile. Je veux parler, rappelez-vous, de cette terre que le film donne à Jacques avec deux années de retard. Le film fait donc croire que la dot provoque une sorte de conflit métaphysique par lequel une force sans nom viendrait contester à Jean la main de Marguerite. En effet, le déplacement chronologique mensonger organisé par les alchimistes du scénario vise ici trois choses. La troisième étant la plus importante.

I. Faire passer le comte d’Alençon pour un noble indigne qui colle parfaitement à l’image mythique d’une cour royale déviante et criminelle.

II. Montrer que Jean est moralement affaibli en devenant le gendre d’un ancien traître, non par dignité ou conviction, mais par un intérêt uniquement égoïste. Un double intérêt d’ailleurs, car si Jean veut une dot, c’est parce qu’il est au bord de la faillite. Hélas, la meilleure part lui glisse finalement entre les mains. Mais Jean veut aussi un héritier, et donc le ventre d’une femme, alors que les sentiments et le couple sont des concepts qu’il ignore. Et là aussi il échoue puisque Marguerite ne parvient pas à lui donner d’héritier. De plus, si la dot retombe en partie dans les mains de Jacques, cet ami dont il convoite la réussite, c’est par une sorte de contingence presque métaphysique.

III. Affirmer que Jacques est un gestionnaire de talent à qui la Providence donne ce qu’elle retire à deux hommes indignes : Jean et le Comte. De plus, en lui donnant cette Terre d’Aunou le Faucon la providence est en train de prophétiser ! Car Jacques, reçoit la plus belle part de la dot de Marguerite et devient en quelque sorte un mari virtuel. Un mari que les aléas de l’existence sont en train de légitimer ! Il pourra donc perpétuer l’œuvre de Robert de Thibouville. Il ne lui reste qu’une chose à faire, et réussir où Jean a échoué : donner à Marguerite le plaisir de la fécondité.

VIII - La Rencontre

Marguerite et Jacques se rencontrent lors d’une festivité de la noblesse normande. Et le court entretien qu’ils ont est lumineux. Ils vont communier intellectuellement et partager leur goût pour l’élégance et la lecture. Un bref mais typique jeu de références littéraires, que l’on devine codé, nous est alors servi. Le Roman de la Rose est critiqué tandis que Perceval ou Le Conte du Graal est exalté. Le spectateur pourra entendre ici un rejet de la latinité française au profit de la très celtique « matière de Bretagne » – lire Grande-Bretagne[1]. Leur joute culturelle est même émaillée de commentaires en allemand qu’ils s’échangent à propos de Jean !

Ainsi donc, la rencontre est une rencontre d’amour. Marguerite ne le voit pas encore, mais Jacques le sait. C’est pourquoi il conclut par cette phrase prophétique, supposée parler de Perceval et de Jean, mais en définitive parlant de lui et de cette brillante femme qui est animée du même esprit que le sien : « Il sait ce qu’il désire et ne renonce jamais à son objectif. Les grands esprits se rencontrent. »

IX - Le Procès

Lorsqu’enfin nous assistons au Procès, Marguerite est cette fois seule face aux hommes de loi et aux religieux. Et l’on apprend ce fait extraordinaire. Elle est enceinte :

— « Voilà 5 ans que vous êtes mariée et vous n’avez pas porté d’enfant, pas d’héritier pour la famille. Et pourtant, vous voilà exactement 6 mois après l’incident dont vous vous plaignez, et vous êtes grosse de 6 mois. [...] Prenez-vous plaisir à copuler avec votre époux ? Vous devez savoir que vous ne pouvez concevoir un enfant si vous ne goûtez pas au plaisir. Un viol ne peut être l’origine d’une grossesse, c’est ce que dit la science. Vous permettrez donc à la Cour de se demander si après cinq années de vie maritale, votre grossesse est une coïncidence. Soyons lucides, en admettant que vous nous dites la vérité et que ce fâcheux incident ait bien eu lieu, peut-être l’avez-vous apprécié plus que vous ne pouvez le reconnaître. »

— « De grâce, répond Marguerite, expliquez-moi comment un viol pourrait procurer du plaisir ? »

— « Avez-vous éprouvé du plaisir, répondez simplement. » insiste enfin un religieux.

— « Je n’ai éprouvé aucun plaisir » répond fermement Marguerite.

Puis vient l’énoncé du supplice qu’elle devra subir si Jacques gagne, car elle serait alors condamnée pour faux témoignage. Elle serait donc déshabillée, tondue, puis brûlée vive.

C’est à cet instant que Jacques décide de se sacrifier ! Il décide à cet instant qu’il lui faut perdre, qu’il donnera sa vie afin que Marguerite ne connaisse pas un tel sort. Car c’est lui, Jacques, le véritable martyr, la figure christique. Non pas Jean.

X - La minute magique : une apologie du viol

Tout se dévoile subrepticement dans la dernière minute du film. Une minute magique. Ridley Scott et son équipe masquent à peine ce qu’ils pensent. Pour celui qui sait entendre est enfin identifié ce poison qui est injecté au spectateur durant 150 minutes.

Marguerite est seule, en une belle journée de printemps. Haha ! il fait enfin beau temps. Elle est sur ses terres. Elle observe son enfant, tout en rêvassant. Et voici, soudain. Enfin ! Elle se rappelle… Elle se rappelle le plaisir qu’elle a eu avec Jacques, le père de cet enfant qui lui sourit. Car le film crie tout bas que l’enfant est de Jacques. C’est pourquoi la narration instille sans discontinuité que le viol est d’abord certain et que la fusion d’âme entre Marguerite et Jacques est pareillement certaine. Soit donc, l’héritier des Carrouges à qui reviennent les Terres de Carrouges est l’enfant de Jacques.

Puis on nous dit que Jean de Carrouges meurt en Croisades quelques années plus tard. Que Marguerite de Carrouges vécut 30 années de bonheur et de prospérité en tant que maîtresse du domaine de Carrouges et ne se remaria jamais. Le fils de Jacques pourra donc être éduqué sans limites par sa mère selon l’esprit anglais, avec les mythes de la Table ronde et du roi Arthur.

Il est évident que les deux figurines principales ont été soigneusement sculptées par ce vieil oiseau de Ridley Scott. L’homme né à deux heures d’Édimbourg, à Newcastle, a quelque chose de précieux à nous dire dans ce choix. Tout est en filigrane. C’est une habitude chez lui. Lorsque dans son Exodus, l’histoire de Moïse, il nous habille le Dieu juif Yavhé tel un petit enfant, un enfant si prodigieux que l’adulte apparaît déficient face à lui, c’est tout le discours sur la « néoténie » qu’il nous lance au visage, ce rêve des hommes à imiter les organismes qui conservent l'état juvénile à l’âge adulte et qui peuvent même se reproduire sexuellement. La néoténie est une appétence précieuse au cœur d’Hollywood. C’est une volonté d’éternelle juvénilité, qui suppose donc une pratique de la pédogenèse, c'est-à-dire de la reproduction en tant qu’animaux non adultes… et qui va in fine servir de justification pour pratiquer la pédophilie. Tout Hollywood baigne là-dedans. Sachez donc que la plupart des professionnels palmés qui vous font rêver se vautrent en privé dans ce cloaque… et certainement plus encore tant leur vie est un dépôt d’ordures. Pareillement, le vieil oiseau sait ce qu’il fait en donnant au visage de Jean de Carrouges la morphologie typique de l’Europe et à Jacques le Gris celle d’un anglo-sémite, d’un germano-turc ou que sais-je encore, d’un franco-africain. Le réalisateur anglo-américain veut tout simplement forcer Marguerite à s’accoupler avec un individu qui fait rupture avec la vieille histoire de l’Europe.

C’est pourquoi le film, sous couvert de défendre les femmes et de lutter contre le viol, se retrouve à faire l’apologie du viol. Ce genre de dissonance cognitive est le propre de la propagande d’ailleurs. On vous fracasse le cerveau à coups d’épée en vous disant tout et le contraire de tout. La fin doit justifier les moyens. C’est par ce leitmotiv que le film nous fait enfin entendre clairement son propos : Il fallait violer Marguerite !

C’était nécessaire, voyons. Car il fallait absolument lui donner l’héritier qui serait digne du monde de demain, de ce monde qui trouve le Graal : le rejeton d’une Europe anglaise qui aurait été fécondée de force par un agent extérieur. Et quelques années plus tard, au cours de cette minute magique, Marguerite, enfin, le comprend. C’est la révélation ! Oui. Elle n’a pas été violée, elle a eu du plaisir en réalité. Et Jacques fut sacrifié pour que les Terres cessent d’appartenir aux Barbares d’Europe, afin qu’elles passent entre les mains du monde d’après, ce nouveau monde où la marguerite est croisée avec le palmier, et le lys avec la datte. Parce que les marguerites et les lys ne méritent pas les mâles d’Europe continentale. Et si la marguerite ou le lys ne comprennent pas tout de suite, peu importe, ils comprendront dans quelques années.

Chers amis, ne vous inquiétez donc pas si on vous viole, si on vous violente, si on vous force aujourd’hui, dans vos corps, dans vos âmes, dans ce que vous avez même de plus précieux. Vous comprendrez demain ! Soyez donc une petite Marguerite et laissez-vous cueillir par ces pervers du monde-qui-vient. « Ils savent ce qu’ils désirent et ne renoncent jamais à leur objectif. Car ce sont de grands esprits. » Soyez donc honorés qu’ils vous choisissent et souffrez en silence qu‘ils franchissent vos libertés. Les quelques profanations ou violations de votre être ne sont rien en comparaison de l’âge d’or qu’ils nous construisent.

XI - Épilogue personnel

Marguerite donna effectivement naissance à un fils, mais peu de temps avant le procès en réalité, en 1386 donc. Il fut appelé Robert. Il est également vrai que son père, Jehan de Carrouges trouva la mort en septembre 1396, dix ans après, à la bataille de Nicopolis. Il est encore vrai que Marguerite ne se remaria pas. Elle décéda en 1424, soit donc 28 ans après son mari. Néanmoins, elle eut deux autres fils : Thomas de Carrouges, en 1388, et Jean de Carrouges, en 1389. C'est-à-dire du vivant de Jehan de Carrouges.

Haha ! Elle eut deux autres fils ! Haha ! Il y eut trois héritiers des Carrouges. Jehan de Carrouges a eu trois fils ! Du côté de Jacques, c’est pareil. Jacques n’était pas célibataire car il « était marié et père de plusieurs fils » nous apprend Eric Jager dans son livre.

Lorsque Voltaire invente avec ses amis des Lumières le mythe d’une croyance médiévale en « la Terre plate » il fait exactement ce que font ici ces crapules hollywoodiennes : il nie ouvertement l’Histoire et il la reconstruit dans un endoctrinement outrageant. Toute l’Europe croyait depuis Ératosthène ou Aristote que la terre était sphérique et l’Église diffusa abondamment ce savoir durant deux millénaires, à l’exemple de l’évêque Isidore de Séville dans son De natura rerum au début du VIIe siècle.

De même la Renaissance qui voulait se croire un Nouveau monde appela le monde qui le précédait l’Âge moyen ; les révolutionnaires parlèrent eux d’Ancien Empire ; et aujourd’hui encore on nous ressort le même baratin. Tout cela est faux. Il n’y aura jamais de rupture ici-bas si ce n’est une rupture à la Jonas. Je veux parler de cette réponse que le Fils de l’homme fit à ceux qui voulaient, ici et maintenant, un Nouveau monde, miraculeux, doré, surhumain. Ils leur répondit en substance : « Vous êtes mauvais et vous n’aurez rien d’autre qu’un tombeau vide. » (cf. Mat. 1238-41)

Si tu crois qu’il y aura ici-bas un dernier duel et qu’alors s’ouvrira un Nouveau monde, alors tu n’auras rien, sinon un monde de plus en plus propagandiste, de plus en plus transpercé par l’épée des sorciers du meurtre de l’esprit. Puis ton tombeau. Car la rupture, la seule, c’est celle d’un dernier jugement, d’un dernier combat. Contre ta mort. Et toi, tu n’es pas de taille. Si tu ne veux pas le voir, c’est que déjà tu es cueilli par l‘épée de cette réalité, que tu es englué dans l’Image comme l’insecte l’est dans une toile d’araignée cinématographique.


Ivsan Otets


[1] Puisque Perceval est un Gallois. Par ailleurs, l’inspiration de l’auteur Chrétien de Troyes pour son cycle Arthurien provient d’œuvres historiographiques rédigées à la cour anglo-normande des Plantagenêt. « Le premier de ces textes historiographiques est celui, composé en latin en 1136 de Geoffroy de Monmouth, Historia Regum Britanniae (Histoire des rois de Bretagne, c’est-à-dire de Grande Bretagne). Geoffroy de Monmouth s’est efforcé, dans ce texte à prétention historique, de donner ses lettres de noblesse au peuple breton [au peuple de Grande-Bretagne, donc]. Il s’agissait, pour des raisons politiques, de donner un pendant aux Chroniques de France, elles aussi composées en latin, et de créer un homologue à la figure héroïque, mi-historique mi-légendaire, de Charlemagne. » Source de la citation :
https://lettres.ac-versailles.fr/IMG/pdf/La_matiere_de_Bretagne.pdf

Ainsi, Marguerite trouve Le Roman de la Rose « Ennuyeux », « Insipide ! » renchérit Jacques, amusé. Serait-ce en raison de sa trop grande popularité, signe d’une qualité somme toute « commune » ? Serait-ce le pied de nez de deux esprits supérieurs, plus que lettrés : philosophes ! lesquels dédaignent la poésie courtoise et la joliesse de ses vaines broderies sentimentales ? Délectable ironie dans leur situation car, ce faisant, ils se moquent du thème de l’amour et placent leur rencontre au-dessus du sentiment, dans des régions encore plus élevées ! Serait-ce encore parce que l’œuvre est trop française, ou plutôt trop latine ? Mystère car l’œuvre, effectivement pénétrée de culture latine antique, est en vérité profonde et satirique. En revanche, sur l’initiative de Marguerite, les deux esprits nobles (snobs ?) apprécient Perceval et Le conte du Graal, ce qui nous renvoie bien sûr au roi Arthur et à ses chevaliers de la Table ronde, bref à la matière de Bretagne – lire ici « Grande-Bretagne » comme nous l’avons déjà souligné. Perceval le chevalier un peu benêt en quête de son identité et la cour d’Arthur avec ses questions de généalogie. Mystère encore que la sophistication de ces allusions croisées car Perceval est bien sûr le jumeau littéraire de Jean, Marguerite elle-même le sous-entend : « Naïf et fou, pourtant son cœur si pur lui permet de réclamer le Graal. J’admire cela. » Et Jacques d’acquiescer, « Je le comprends », tout en s’immisçant, « Il sait ce qu’il désire et ne renonce pas à son objectif. »

Et puisque les propos sur cette œuvre appréciée donnent lieu de part et d’autre à quelques commentaires formulés en allemand, nous nous permettrons de conclure que le réalisateur, à travers le couple principal des deux vrais héros de son film, a choisi de rendre hommage à une Europe germano-celte. Marguerite, la fleur française de qualité, choisit la culture germano-celtique. Et Jacques, l’improbable écuyer lettré à la noble attitude et à l’allure orientale, celui-là même qui, d’après le scénario, fécondera de force la Dame française, partage ce choix.

(Note rédigée par Dianitsa Otets)


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Digne héritier de Polyphème, le Cinématographe constitue un spectacle qui, loin de susciter la pensée, la fige en réquisitionnant toute l’attention pour sa supercherie pyrotechnique.

Stéphane Zagdanski, La mort dans l’œil, ii, domination.