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Alexandre Pouchkine
POÉSIE

Alexandre Pouchkine


LE PROPHÈTE

L’esprit tout languissant de soif,
je me traînais dans un désert obscur,
quand au carrefour de mes voies
j’eus la vision d’un Séraphin.

De doigts légers comme le rêve
il toucha chacun de mes yeux :
mes yeux s’ouvrirent, clairvoyants
comme ceux de l’aigle effrayé.

Puis il effleura mes oreilles
qui retentirent de clameur
et j’entendis le ciel frémir,
j’entendis le haut vol des anges,
la fuite sous les eaux des monstres de la mer
et la germination des sarments dans la plaine.

Puis de sa main il pesa sur ma bouche,
en arracha ma langue pécheresse,
langue vaine, langue perverse,
et de sa dextre ensanglantée
dans ma bouche paralysée
glissa le dard de l’astucieux serpent.

Puis, m’ouvrant le sein de son glaive,
il empoigna mon cœur tout palpitant
et plaça un charbon ardent
au creux de ma poitrine ouverte.

Mon corps gisait, mort, au désert
lorsque la voix de Dieu me lança son appel :
« Prophète, lève-toi, sache voir et entendre
et, tout rempli de mon vouloir,
parcours les terres et les mers,
brûlant les cœurs au feu de ma Parole. »

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UN SEMEUR SORTIT POUR SEMER…

Je sortis seul, avant l’étoile
semer aux champs la liberté,
jetant les graines vivifiantes
d’une main innocente et pure
au long des labours asservis.
Je ne fis qu’y perdre ma peine,
mon temps et mes pieux désirs…
Broutez donc, peuples pacifiques !
Dormez, sourds aux cris de l’honneur.
Liberté, laisse ce bétail
qu’attend la tonte, ou l’abattoir,
qui endure, de siècle en siècle
le joug à grelots et le fouet.

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