À propos des femmes
AUX MESSIEURS

ponton

Mille fois déjà on a montré combien les rapports que le Christ entretint avec les femmes furent particuliers, et cependant il faut y revenir. Son attitude fut là aussi anachronique ; car il permit aux femmes de s’entretenir avec lui en particulier. Il leur donna ainsi la position de disciple, c’est-à-dire qu’il voulut qu’elles le rencontrent individuellement et pensent par elles-mêmes, vis-à-vis de Lui seul, cela donc au même titre que les hommes qui s’étaient jusqu’alors réservés l’accès au divin. Il l’affirma, par exemple, en se montrant d’abord à des femmes après sa résurrection ; ce qui constitua un soufflet pour les hommes ! À un autre moment, nous le voyons défendre Marie de Béthanie contre les douze apôtres : elle seule avait vu à l’avance le sacrifice du Christ. Elle versa un parfum de grand prix sur la tête du nazaréen, chose que les hommes ne comprirent pas. Laissez-la, leur dit-il, elle a d’avance mis du parfum sur mon corps afin de le préparer pour le tombeau. — Bref, l’attitude du Christ envers les femmes avait, en apparence, un fort élan de féminisme.

Ainsi donc, mille et une fois on prétendit que le Christ, vingt siècles avant tout le monde, ouvrit une porte. Il reconnaissait aux femmes le droit de penser et de comprendre, de s’instruire et d’acquérir leurs propres convictions. Par conséquent, un chemin nouveau s’annonçait devant elles : la possibilité, alors réservée aux seuls hommes, de faire une carrière professionnelle, les rendant autonomes et leur faisant quitter ce rôle de servante. Le Christ aurait donc anticipé leur droit de vote et d’égalité avec l’homme. — Pourtant, dire que tel fut le but qu’il rechercha, cela est proprement absurde ! Pourquoi ? Car si le Christ est venu pour offrir l’émancipation aux femmes, c’est donc qu’il est le Christ des Femmes… et rien d’autre. Et si vous prétendez qu’il fût aussi celui des hommes, je vous demanderai : avait-il donc aussi une émancipation en plus à offrir aux hommes ? Si tel est le cas, l’homme serait de nouveau placé en position supérieure. Vous me répondrez peut-être que je me trompe, que c'est précisément cette « révélation » sur les femmes, celle qui consiste à les élever au niveau de l’homme, qui est, de manière indirecte, le bienfait du messie à l'égard du sexe masculin ? Mais en affirmant cela, on revient au point de départ : l’homme de Nazareth redevient le Christ des femmes. En effet, en empruntant un tel chemin, si le Christ est encore celui du sexe masculin, ce n’est plus qu’indirectement : au travers des femmes donc ! Les femmes, dira-t-on, en s’élevant, deviennent la bénédiction messianique des hommes ! Auquel cas, il vous reste, pour conclure, d'ajouter à l’Évangile et faire dire au Christ la parole du poète : « La femme est l’avenir de l’homme ».

Un tel Messie lié à l’histoire socio-politique n’est qu’antérieur au véritable Christ : à celui qui vient après l’histoire. C’est un antéchrist féministe et efféminé. Quoi de plus normal finalement, car tout ce que bâtit la Raison est toujours antérieur. En effet, à force de se retourner sur elle-même, la raison se doit de reconnaître logiquement l’égalité « mâle et femelle ». Ayant ainsi atteint son maximum, elle efface les différences de l’identité propre à chaque sexe. De là naissent de nos jours une tripotée d’hommes féminisés au possible. Ils sont du type « antéchrist ». Ils essaient de donner le sein à leurs enfants. Pareillement, la société produit des femmes du même type : elles désirent avoir des enfants loin de leurs corps pour préserver leur carrière professionnelle.

Hélas, hélas pour les femmes, l’homme de Nazareth est aussi le Christ des hommes. Je dis bien « hélas, hélas », car en ce cas, les femmes doivent admettre que la Révélation du Christ est tout autre que leur ascension sociale, tout autre que cette donnée logique et raisonnable. Aussi devront-elles s’interroger sur cette Révélation. Celle-ci est donnée conjointement aux hommes et aux femmes de tous les temps. Personne ne la reçoit plus facilement parce qu’il serait né en un siècle moderne ! Qu’est-ce donc que cette Révélation ? Elle consiste à dépasser la Raison, ses dualités et ses élans historiques. C'est ainsi que le Christ pardonne de manière injuste ; contre la loi du bien et du mal – gratuitement. Ici se trouve la pierre d'achoppement, car pour dépasser la Raison du bien et du mal, faut-il d’abord l’atteindre ! Cela fait, il faut la défier, puis la vaincre, par la Foi en l’impossible d’un Dieu qui ressuscite et pardonne « injustement ». Ainsi le Christ présente la Foi à tous et à toutes ! Mais il insiste quant aux femmes sur ce point précis parce que l’homme développe ici un avantage, il manie l’intelligence et l’instruction avec plus de naturel que les femmes. Aussi, le Christ veut-il leur faire sentir combien elles sont autant capables en ce domaine, non pour les élever socialement mais pour qu'elles aussi entrent dans la lutte contre les théories logiques – contre le dogmatique et le religieux. En effet, de quel prix serait une Foi qui ne s’est pas déboîté la hanche dans ce combat contre la Raison, contre ses Lois, contre ses messagers et contre ses ministres ecclésiastiques ? Quelle serait donc cette foi là si ce n'est de l'émotivité, ou encore un intérêt personnel : élaborer son petit bonheur terrestre, sa maison, sa famille et l'hypocrite douceur à s'éloigner de toute lutte.

Il faut bien admettre que peu d’hommes ont relevé le défi d’un tel combat. Ils se sont contentés d’une croyance raisonnable, parfois rigide, voire violente. De même, peu de femmes ont relevé ce défi, elles se sont contentées d’une croyance mystique, parfois hystérique, voire magique. Et lorsqu’une femme tend enfin à comprendre plus qu’à réciter, lorsqu'elle pense et questionne avec zèle la théologie, lorsqu'elle se jette du plongeoir dans les eaux turbulentes de la Raison… Il nous faut bien admettre que sa croyance théologique ne fait pas mieux que celle de l’homme ! De plus, la théologie des femmes constitue même une tentation supplémentaire. En effet, les prédicatrices modernes, formées au même niveau d'instruction que les hommes, ajoutent à l’évangile logique des hommes ce qui leur est particulier : l'attrait des sens naturels, l'exaltation d'une affection qui se plaît à déresponsabiliser l'autre dans un élan maternel. Cette féminisation de l’Évangile se remplit d'un discours sur les « fleurs du bonheur », du « couple romantique », et d’une vie pleine de douceurs au pied d'un Dieu chamallow. C'est par cette voie qu’elles mettent en accusation la Vérité évangélique. Elles la dénoncent comme violente. Pourquoi ? Parce que la Vérité dernière entraîne le déséquilibre et l’inquiétude, chose que leurs sens naturels ne supportent pas. Par le fait d'une floraison de ces femmes toutes en vertus, les prédicateurs masculins, en mal de renouvellement, se sont mis à glisser sur cette vague. Les voilà à prophétiser que « la femme est l’avenir de l’homme », annonçant aussi l'Évangile du bonheur fleuri ! Les églises sont désormais réduites et coincées entre les femmes parfumées en talons hauts, et ses hommes efféminés aux dents blanchies de présentateur. Les uns et les autres utilisant le terme de « sacrifice personnel » uniquement comme formule de rhétorique… pour faire descendre plus d'huile dans les caisses.

Pour conclure, je tiens à souligner combien le Christ fut audacieux et proprement irréligieux pour son époque. À savoir, qu’il profana le sacro-saint Shabbat et annonça la destruction du Temple, sans aucune peur. Puis, en lançant son « Je suis », il se déclara égal à Dieu. Qu’aurait-il pu faire de plus outrageant ? Rien. Je parle ainsi pour répondre à ceux qui s’expliquent le refus du Christ d’envoyer des femmes parmi ses apôtres. C’est, disent-ils, parce que cela exigeait trop d’audace pour son époque ! — Affirmation stupide au possible. Si, Celui qui se disait Maître de la Loi et Vivant aux siècles des siècles n’envoya pas de femmes, c’est, selon son habitude, non parce que les traditions des hommes s'imposaient à sa volonté, mais parce qu’il ne le voulut pas ! S’il l’avait voulu, il l’aurait fait. Pourquoi donc un tel refus de sa part alors ?

Parce qu'il voyait de loin l’échec à venir des hommes. L'humanité est apeurée à l'idée de se battre contre la raison. Le Christ connaissait ce vice ancestral, cette volonté humaine à se bâtir des religions théoriques. Mais il discernait aussi cette tendance naturelle qu'ont les femmes à refuser le don de l’intelligence. Il savait combien elles sont enclines à se bâtir un bonheur magique, fondé sur les succès de la science masculine. Aussi, le Christ savait-il que l’Évangile serait subverti de ces deux manières. En premier lieu par l’amour de la Raison, de façon très masculine. Cependant, même ainsi l'Évangile reste accessible puisque la raison met l’homme en échec. Ses Lois qui l'accusent avec logique le poussent finalement, tel un tuteur, indirectement vers la folie de la Foi. Telle est l'essence du masculin. — En second lieu, le Christ voyait aussi comment l’Évangile serait subverti d'une manière plus dangereuse : par le refus de se confronter à la Raison. De façon plus féminine donc, en tendant le fruit de la connaissance à l'autre pour l’envoyer en première ligne. C'est ici la figure de Balaam et de son ânesse. On incarne le divin dans la facilité mystique, dans l'immédiateté terrestre. En ce cas, il ne reste plus aux hommes le secours de l’intelligence pour douter des convictions imposées ! Elle s’affichent en toute évidence devant lui, telles des forces psychiques et magnétiques qui le persuadent d'être divines : il ne croit qu'en ce qu'il voit, en ce qu'il sent. La pensée critique ayant été écartée, il est livré à ses propres sortilèges. Telle est l'essence du féminin.

Ainsi donc, que les femmes se taisent quant à l'Évangile ! Car elles font beaucoup de mal en miaulant l’Évangile trompeur d’un bonheur terrestre facile qui ne viendra pas. Et que les hommes se réveillent ! Qu'ils cherchent la Vérité au lieu de jouer avec. Qu’ils apprennent donc à leurs femmes à penser, car elles sont faibles en ce domaine. Ils recevront peut-être d'elles en retour s’ils acceptent ce combat contre la Raison, s'ils apprennent à vivre par la Foi. C’est ce combat que mon auteur favori appelait « La Lutte contre les Évidences. » Quant aux femmes, hélas majoritaires, qui refusent de soutenir les bras des hommes dans leur combat pour la Foi, préférant la magie d’un Dieu tiédi par les adultères de la facilité… et bien, qu’elles aillent au diable ! Là se trouvent déjà leurs prédicateurs aux apparences de femmes qu'elles ont réussi à efféminer — misère des malheurs misérables…

ivsan otets