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Ivsan Otets

Printemps 2012

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À propos : Ce passage soulève la question de l’indépendance de la volonté divine et de son impact sur l’homme. Une indépendance qui est très vite transformée et ressentie chez ce dernier comme une insoutenable incertitude. Car l’homme veut être certain du ciel ; et les mystères de Dieu, il veut les mettre en lumière afin de « savoir où il va » et « à quoi s’en tenir ». De là la mécanique divine incarnée qu’est l’Église, qui va se charger de remplacer les mystères et l’imprévisibilité de Dieu par des certitudes et des dogmes logiques auxquels Dieu lui-même sera tenu de se soumettre. L’Église a changé le fondement.

Dans ce texte, Ivsan Otets propose une réflexion sur le matériau de la foi évoqué par Paul, et sur les différentes initiatives qui se présentent au croyant pour l’évaluer, dans une optique de « maîtrise de sa spiritualité ». Un texte qui examine une nouvelle fois la relation très contradictoire qui existe entre Église et Évangile.


Texte en quatre parties :
i · Le fondement tue la forme
ii · La mort de la révélation
iii · L’homme est le mystère de Dieu
iv · Les moissonneurs du vide


Réflexions sur
1Corinthiens 3

À PARTIR DE 1 CORINTHIENS 3 9 - 4 5

extrait


  déplier le texte biblique ici
39 Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu, et vous êtes le champ de Dieu, la construction de Dieu. 10 Selon la grâce que Dieu m’a donnée, comme un bon architecte, j’ai posé le fondement, un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit. 11 Quant au fondement, nul ne peut en poser un autre que celui qui est en place : Jésus Christ. 12 Que l’on bâtisse sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin ou de la paille, 13 l’œuvre de chacun sera mise en évidence. Le jour du jugement la fera connaître, car il se manifeste par le feu, et le feu éprouvera ce que vaut l’œuvre de chacun. 14 Celui dont l’œuvre subsistera recevra un salaire. 15 Celui dont l’œuvre sera consumée en sera privé ; lui-même sera sauvé, mais comme on l’est à travers le feu. 16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? 17 Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous. 18 Que personne ne s’abuse : si quelqu’un parmi vous se croit sage à la manière de ce monde, qu’il devienne fou pour être sage ; 19 car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Il est écrit en effet : Il prend les sages à leur propre ruse, 20 et encore : Le Seigneur connaît les pensées des sages. Il sait qu’elles sont vaines. 21 Ainsi, que personne ne fonde son orgueil sur des hommes, car tout est à vous : 22 Paul, Apollos, ou Céphas, le monde, la vie ou la mort, le présent ou l’avenir, tout est à vous, 23 mais vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu. 41 Qu’on nous considère donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. 2 Or, ce qu’on demande en fin de compte à des intendants, c’est de se montrer fidèles. 3 Pour moi, il m’importe fort peu d’être jugé par vous ou par un tribunal humain. Je ne me juge pas non plus moi-même. 4 Ma conscience, certes, ne me reproche rien, mais ce n’est pas cela qui me justifie ; celui qui me juge, c’est le Seigneur. 5 Par conséquent, ne jugez pas avant le temps, avant que vienne le Seigneur. C’est lui qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et mettra en évidence les desseins des cœurs. Alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui revient.

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Bien qu’il prétende se tenir parmi les « intendants des mystères de Dieu », on peut se demander si Paul est ici à la hauteur de son affirmation. Car il est vrai qu’exhiber sa vie sous l’étendard du christianisme ne prouve nullement que les œuvres qui s’ensuivent soient inspirées du Christ. La bannière ne fait pas le soldat, pas plus que la particule ne donne la noblesse, et rien n’empêche de bâtir un lupanar sur d’excellentes fondations. Pourquoi donc jeter le doute sur Paul alors qu’il répète intelligemment une vérité commune à toutes les activités humaines ? Parce que ramenée à Dieu, il semble que cette pensée soit pour le moins ambiguë et au pire angoissante. En effet, comment le chrétien trouvera-t-il le repos en apprenant que son Dieu le laissera peut-être faire n’importe quoi en son nom ? N’est-ce pas angoissant pour lui de savoir que ses plus belles œuvres risquent ainsi d’être maudites par le Dieu même auquel il les aura consacrées ?

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L’instruction de Rabelais est bien trop sage pour traduire les propos du Nouveau Testament. Cette leçon que donne Gargantua à son fils Pantagruel est certes précieuse au regard de la vie matérielle, mais elle est totalement fausse lorsqu’on la rapporte à Dieu. Si l’un et l’autre avaient connu l’histoire biblique de Balaam, l’ânesse de ce dernier leur aurait tenu un tout autre discours : « Moi qui ne suis pourtant qu’une bête inconsciente j’ai vu l’ange de l’Éternel tel que rarement un homme l’a vu ; puis j’ai reçu la parole, et j’ai détourné un prophète de son orgueil. » C’est bien cette voix que l’Église devrait écouter, la voix de son ânesse ! Une voix qu’elle ne veut décidément pas entendre ; sa vanité et sa boulimie à se croire unique et indispensable l’a rendue sourde. Aussi n’est-elle pas plus « dispensatrice de la révélation » que Gargantua ne l’est ; elle lui ressemble d’ailleurs étrangement.

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Certains auraient donc une foi semblable à l’or quand pour d’autres elle serait pareille à une boule de chiffons. Une pensée aussi simple que trompeuse puisqu’elle ne conclut rien, bien au contraire, elle introduit une difficulté insurmontable. Pourquoi ? Parce que nulle part n’est dévoilé le secret nous permettant de mesurer avec exactitude la valeur du matériau ! Paul a-t-il élaboré un système infaillible ayant la capacité de juger la foi en Christ ? Oui, répond le christianisme : « le divin Rédempteur a pourvu son Église d’infaillibilité lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs ». Une formule catholique que le protestant adopte tacitement ; Max Weber l’avait fort bien compris : « Dans les régions où le calvinisme était la religion officielle, le contrôle policier exercé par l’Église sur la vie privée confinait à l’inquisition. » Une pratique d’actualité dans nombre d’églises issues aujourd’hui du protestantisme. L’Écriture est pourtant totalement opposée au contrôle du groupe sur l’individu, et elle n’interdit personne d’incarner sa foi contre l’autorité supposée des papes et des pasteurs. Aux apôtres qui faisaient taire un homme « parce qu’il ne suivait pas le Christ avec eux », Jésus rétorqua : « Non, ne l’en empêchez pas ! » (luc 9 49-50). Que fait ici Jésus sinon renier l’autorité dont se revêtent Pierre ou Jean de leur propre initiative ? Cette autorité ecclésiastique qui était alors en train de poindre. « Je ne suis pas fondé sur les hommes » dit-il ; « et aucune corporation humaine n’est mon corps pour recevoir ma divinité ».

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Personne et pas même moi ne peut donc dévoiler ici-bas ce que je suis vraiment ; pas plus un ange qui surgirait du ciel que cent églises, mille théologiens ou dix mille érudits ; tous ceux-là ne font que raisonner selon les évidences du bien et du mal. Et Dieu considère comme un outrage lorsque l’un d’entre eux tente de déchirer le voile derrière lequel le sanctuaire de notre être est en devenir. Dieu seul y accède ; et au-delà du regard de nos consciences, il fait de chacun « un temple de son Esprit ». Ce à quoi l’apôtre conclut : « Ce n’est pas ma conscience qui me justifie ; c’est le Seigneur. » Paul ne parle donc pas des œuvres ou des convictions du chrétien lorsqu’il interpelle sur sa « manière de croire en Christ » ; mais de ses « desseins cachés » dit-il ! La foi touche à nos intentions inaccessibles ; à nos pourquoi bien plus qu’à nos comment. Pourquoi ai-je foi en Christ ? Ma foi me sert-elle à dissimuler ? N’est-elle qu’un masque, un prête-nom tandis que je crois en secret que ma façon de vivre suffit pour me justifier ? Ou bien ma foi est-elle le résultat de mon impuissance devant le bien et le mal ?