Vous retrouverez sur la page de présentation de l’auteur deux documents sonores dans lesquels on peut entendre Jacques ELLUL s’exprimer sur des sujets divers :
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Bonjour à tous les deux,
De cette causerie, un mot se détache c'est celui de « flair ». Perso, j'appelle cela l'intuition. Un vent léger, printanier qui s'oppose à celui de la conscience. Cette hideuse et implacable conscience, cette accusatrice, ou cette affreuse épicière qui pèse et soupèse la moindre parole, ou la pensée la plus secrète et nous fait comparaître devant le tribunal enchaîné et condamné d'avance. Finalement la conscience est le fond de commerce des religieux, ceux-ci s'ingéniant tous à devenir des directeurs de conscience. Aussi notre « vie spirituelle » consiste à éteindre la voix de notre conscience par une vie de « consciencieuse et laborieuse » vertu. Dieu s'appelle vertu et cette voie que l'on prend pour celle de Dieu, la conscience, n'est qu'un kapo. J'aimerais bien vous entendre plus sur la conscience.
La douce brise de l'intuition, est beaucoup plus fantasque, aussi je pars à l'aventure dans les auteurs dont vous parlez (Ellul, Neher) ou d'autres. Le coupe-vent le plus efficace à cette brise est assurément les dogmes et notamment la sacralisation du texte biblique. Le lecteur ainsi asservi au texte accepte tout et son contraire. Partant de la distinction des deux fils directeurs (la Foi en Dieu, la foi en la loi)) dans la bible, j'essaie de dénouer ces deux fils qui embrouillent la vision.
Ce qui me fait sourire c'est la proximité du livre de Job (qui trouve refuge dans les ténèbres de la foi), du premier psaume véritable temple consacré à la Morale, la Loi, à une rationalité implacable.
Je me rend compte de l'impensable travail que vous avez du fournir. Avoir autant de clarté sur ces sujets, avec un verbe précis, alors là chapeau-bas. À vous lire ou entendre, tout parait si limpide. En dépit du temps libre que j'ai en abondance pendant encore quelques mois, votre maturité est un encouragement mais coupe le souffle également. En tout cas j'ai bien fait d'avoir eu du flair de vous entendre et de chercher la validité de vos propos… Mais ce n'est qu'un début !!!
Dans vos propos, (je ne sais plus où sur ce site), vous dites avec justesse n'être le pasteur de personne (effectivement se serait ajouter un directeur de conscience à une liste qui n'en finit pas) et j'ai noté combien il est nourrissant pour l'homme de chercher Dieu pour lui-même, mais si vous pouvez affiner, multiplier vos recommandations de lecture et d'auteurs se serait un support. Ces lectures sont des étoiles qui nous guident, elles sont terriblement précieuses.
J'ai vu dernièrement le film « un médecin de campagne ». Le personnage principal, un médecin, s'exclame lors d'un moment de « vérité » : « La Nature, c'est la barbarie. » Une parole de clairvoyance au sein d'un monde confus mais implacablement logique. Finalement le flair consiste en une sorte de tamis où l'on retient ce qui est pertinent. Un peu à l'image du trône vu par Napoléon qui vous a inspiré. C'est pas mal l'intuition, le flair, cela surprend, déroute, dérange, mais au moins on ne reste pas bloqué au tribunal de la conscience d'où l'on ne sort qu'après avoir payé jusqu'au dernier centime (ce qui n'est pas près d'arriver !).
Continuez de faire la course en tête, je vous suis cahin-caha.Fraternellement à tous les deux,Parmelan.
J'allais terminer, mais en me relisant, je me suis dit combien mon Dieu est loin de ce que j'exprime. On en reste avec cette fichue question : « Et vous, qui dites vous que je suis ? »
J’ai eu bien du plaisir à vous lire cher Parmelan. Permettez-moi donc de vous suivre, et tout comme vous, de laisser vagabonder ma pensée à l’ombre du cœur plutôt qu’à celle de la logique.
À propos des conseils de lecture. Là aussi je propose d’abord d’avoir du flair pour soi-même. Car il me semble impossible de dire pour l’autre quel auteur sera, ici et maintenant, ce dont il a précisément besoin : ici et maintenant. Le cheminement de pensée est tellement existentiel. Il est certains auteurs que j’ai lus trop tôt, d’autres sur lesquels je reviens et où je m’étonne de découvrir des perles qui m’avaient totalement échappées dans le passé. D’autres me furent à une époque très utiles et édifiants tandis que je les trouve aujourd’hui imbuvables. Être certain de donner le bon conseil de lecture pour l’autre, c’est en somme invoquer le dogme, c’est-à-dire la vérité définitive, générale, pour tous et pour toujours. Car on peut fort bien savoir quel livre de mathématique ou de grammaire untel ou tel autre aura besoin, selon son niveau, mais en termes de « recherche de Dieu » (si j’ose dire), la chose est si personnelle, intimiste et propre à l’être qu’elle en devient toujours étonnement particulière. Nous sommes tous si différents et si uniques dans nos parcours. Celui-ci peut fort bien trouver des clefs pour ses propres entrées de vie auprès de tel auteur ou selon telle approche du texte biblique, tandis que moi-même, aujourd’hui, je me trouve à frapper à mes propres portes, vers ma vie – qui ne sont pas les siennes. Entre Dieu et l’homme, c’est toujours à huis clos, car Le trouver, c’est Se trouver. Je ne peux recevoir la clef de l’autre et inversement. Par contre son témoignage peut m’être utile afin que j’apprenne, moi aussi, à forger mes propres clefs, à trouver le Christ qui Lui aussi me sera à huis clos comme Il l’est pour mon frère. Là se trouve la fraternité. Et là seul se trouve aussi l’enseignement, ce mot qui a tant servi de prétexte pour dominer l’autre, précisément en lui imposant mes clefs qui ne sont pas les siennes. C’est une violence spirituelle, une sorte de viol existentiel. Comme vous le faites remarquer, on nous a appris à chercher Dieu comme une équation mathématique ou une règle de grammaire qu’il faudrait ensuite appliquer dans notre être, dans notre existence ; comme si nous étions des êtres-machine que Dieu ne destine qu’à obéir, qu’à appliquer la règle éternelle et à respecter la sainte équation.
Tout cela en devient même effrayant à propos du Christ et lorsqu’on se trouve face à son : « Qui dites-vous que je suis ? » En effet, celui-ci qui ne reconnaît pas le Christ dans son approche de la vérité peut fort bien représenter et enseigner la vérité dont il se sent le témoin – sans qu’il le sache et contre son gré – de façon assez proche et similaire de l’esprit par lequel le Christ s’est lui-même représenté, lui qui est la Vérité. C’est-à-dire de façon existentielle et toute soufflée par une soif intarissable de liberté. Et ailleurs, celui qui pourtant rabâche le nom du Christ à tout vent, qui a forgé à son propos une théologie bien carrée… Peut-être est-il en réalité beaucoup plus loin du premier quant à la manière dont il parle de la vérité, même s’il la nomme « christ ». Vous me direz bien sûr : « Pourquoi donc le premier ne reconnaît-il pas le Christ lorsqu’il croise son chemin ? » Les raisons sont multiples. Il se peut, par exemple, qu’on ait tellement à ses yeux brûlé le nom du Christ par la religion et par la logique morale que cet homme se trouve alors dans l’impossibilité de séparer le Christ de la fausse représentation dont on l’a empoisonné. Peut-être était-ce le cas de Nietzsche. Or, le Christ pourrait bien entendu passer outre cette impossibilité et ne le fait cependant pas. Pourquoi ? Je vois là le fait de pouvoir continuer à dire que la vérité est existentielle, qu’elle est totalement accrochée au parcours de l’individu, et que c’est cette vérité-là qui règne. C’est-à-dire que dans cette histoire-là, les récitations de credo, les parcours de messes et les mécaniques du dogme ne gagneront pas ; ils seront encore une fois trompés par Dieu qui les aura laissé s’aveugler. Dieu aura le dernier mot ! Le mot existentiel ! Soit donc, il dira peut-être à cet homme que la religion disait perdu, il lui dira peut-être la chose suivante lors de la résurrection : « Les derniers seront les premiers. Je me fous des confessions de foi, car moi, je lis et j’écoute l’âme individuelle. Et toi, je te connais ; viens. » Quand je lis par exemple Marina Tsvetaïeva je trouve des passages qui parfois me semblent sortir directement de la bouche du Christ, et pourtant, la page suivante, je trouve une critique acerbe contre le christianisme dont elle n’arrive pas à détacher la personne du Christ. Elle n’a pas les moyens de témoigner de Lui publiquement tant la religion s’est attelée à Le brûler dans son cœur. Elle a été brûlée par le dogme et cependant l’Esprit passe encore, derrière. D’autres n’ont par contre jamais été brûlés. Ils ont même découvert l’Audace du Christ, mais ils préfèrent un Dieu raisonnable tant le témoignage public d’un Christ libre leur coûterait trop cher. Aussi est-il prudent de cesser de tracer les colonnes des « perdus » et des « sauvés » avec la règle des credos et le stylo des fidélités à l’Église. Voilà une chose qui est très imprudente.
C’est en somme l’attitude de lecture que j’ai lorsque j’ouvre un livre. Je concède que ce n’est pas très confortable cette « pérégrination dans les âmes », pour reprendre le mot de Chestov, mais c’est la seule façon de trouver des perles de lecture. Je m’étonne toujours ensuite de voir qu’elle avait déjà été murmurée par le Christ (ce en quoi il est unique). Pourquoi ne l’avais-je pas entendu de sa bouche directement ? Pour fraterniser avec un auteur ? Pour apprendre l’humilité akklésiastique tant il est vrai que l’église ne détient pas la vérité ? Pour essayer d’aimer l’autre au-delà de l’apparence ? Certainement, et pour bien d’autres raisons encore que vous découvrirez sans que je ne les ai moi-même découvertes.
Ainsi donc, pour revenir aux auteurs eux-mêmes. Chestov me paraît indispensable et selon moi le seul dont il me semble impossible de se passer. Ellul ? Difficile aussi de s’en passer, mais c’est possible. Kierkegaard ? Si précieux, mais tous ne parviendront pas à mordre un tel plat ; de même que Barth. Toutes la flopée d’auteurs juifs (qu’on découvre en fait parce qu’ils se réfèrent les uns aux autres) tels que Neher, Lévinas, Buber, Manitou (ses enseignements car il n’a pas écrit), ou plus contemporains tel que Marc-Alain Ouaknin (il y a aussi de bonnes choses sur le site akadem.org). Les auteurs juifs sont souvent très riches, d’autres sont totalement inutiles. En outre, ils peuvent aussi être un piège tant il faut de la maturité pour les discerner habilement. En effet, nous parlons du même texte, mais leur refus du Christ est littéralement un mal-honnête et par trop dissimulé. Je crois en outre qu’il faut étudier l’Histoire, notamment de l’Église (Moisset par exemple), et l’Histoire des mythes et des religions dans son ensemble (M. Eliade par exemple), et bien sûr les critiques et les recherches sérieuses à propos du texte biblique (discerner l’intention de l’auteur et jauger ainsi de son honnêteté). Ne pas être parano cependant. Il faut avoir confiance au discernement et à la capacité critique qui me sera donnée, à l’audace intellectuelle de l’Esprit. En ce qui me concerne, je suis curieux de tout. Je peux fort bien lire M-F Baslez, T. Römer, Marguerat, E. Nodet, M. Quesnel, M. Simon ou J. Carmignac, par exemple, concernant l’étude et la critique biblique à proprement parler ; puis passer à Blachère ou Massignon concernant le Coran, ou La Bhagavad-Gita et M. Ballanfat ; puis aller sur Debray, M. Weber, R. Girard, le Maharal de Prague, A. Steinsaltz; H. Arendt ou un traité du Tamud ; et de là me jeter sur Dostoïevsky, Tchekov, une biographie de Lermontov, la poésie de Tsvetaeva ou des contes médiévaux ; retourner ensuite sur l’Histoire de Luther, sur des auteurs plus classiques tels que Tillich ou Otto, sur les commentaires du Cantique par Origène, ou sur la prédestination chez Augustin ; puis finalement lécher du Gary, un M. Waltari, un Kundera ou des nouvelles d’Erri De Luca ; et venir ensuite sur un livre plus scientifique d’E. Klein ou sur les palabres de Freud sur Moïse, etc.
Mais si l’on me donnait le choix de trois auteurs, les Évangiles d’abord, bien sûr ; ensuite je ne pourrais me passer de Chestov ; et je crois que je prendrai tout simplement mon cher Tchekov, car j’ai absolument besoin d’un auteur authentique et qui me fasse pleurer tant je me sens misérable et impuissant. Plus on cherche, et plus on trouve son ignorance et son manque de Dieu. Je crois, finalement – une clef en référence à ce que je dis plus haut – qu’il faut lire avec Lui et en vérité le supplier de me conduire vers les textes dont j’ai besoin. Enfin, trois choses. 1. Ne jamais s’arrêter ! S’arrêter, c’est se maudire. On ne s’accapare pas le Christ pour s’arrêter sur un coussin théologique – on le suit. C’est difficile et c’est même tuant. 2. Se donner le temps, faire de lui (le temps) son ami, et ainsi savoir mettre des questions en suspens. La porte s’ouvrira au temps convenable. 3. Refuser absolument toute victoire facile comme si le problème était intellectuel tandis que le problème, c’est moi. Je dois vivre ce que je découvre, car c’est moi que je découvre, sinon autant préparer un diplôme et faire carrière. Chestov avait raison, c’est une lutte contre les évidences. Et où cet ennemi a dressé son épée flamboyante me barrant le chemin de l’arbre de vie ? Dans l’église ? Dans les dogmes ? À l’ombre de mon prochain ? Niet de niet. Il l’a directement dressée dans mon être. Aussi ma recherche est une déclaration de guerre à son égard. Si je ne suis pas prêt à aller à l’encontre de cet ennemi et de son armée, soit donc à mettre ma vie même sur le devant du combat, c’est donc que je suis déjà en train de signer un compromis de paix avec lui à l’arrière.
La « conscience », le « flair », l’« intuition »… Voici en effet des termes dont il semble qu’on ne puisse jamais finir de creuser ce vers quoi ils renvoient et il est de plus si facile de s’y embourber. Quelques mots là-dessus néanmoins. Tout d’abord : Dieu ne vit pas ; il existe. Il y a une différence entre l’« être-vivant » et l’« être-existant ». Nous sommes des « êtres-vivants », mais Dieu est l’« être-existant ». Je sais que ce qui différencie les verbes « vivre » et « exister » semble anodin au premier abord, pourtant la réalité de l’homme est celle de la Vie, tandis que la réalité de Dieu est celle de l’Existence. Entre ces deux réalités se trouve une distance incommensurable.
Nous essayons d’exister quand nous tentons de réaliser à l’extérieur une volonté intérieure de notre être. Par exemple, je veux marcher, puis je marche : à cet instant je peux dire que j’existe. Un âne ou une poule peuvent cependant avoir une telle volonté de se mouvoir, puis ils le feront avec leurs pattes. Par contre, à supposer qu’on prête aussi à l’arbre une volonté, par exemple l’instinct naturel, il ne peut se mouvoir avec des pattes qu’il n’a pas. Il est statique, enraciné, et on ne dira pas dans ce cas qu’il existe, mais on pourra quand même dire qu’il vit. Si son instinct représente allégoriquement sa volonté, on ne pourra donner la qualité d’existence à l’arbre que par le seul fait qu’il a le pouvoir de pousser.
Exister, c’est-à-dire réaliser à l’extérieur notre volonté intérieure, cela dépend donc des possibilités de notre volonté. Or voici, entre l’arbre, l’âne et l’homme existe un point commun ; il y a de l’impossible dans nos volontés ou dans l’instinct du végétal (car je le répète, l'instinct fait en quelque sorte office de volonté archaïque). Mais en ce qui concerne Dieu, il n’y a pas d’impossible. Tout lui est possible. Ainsi vivons-nous toujours, mais souvent sans pouvoir toujours exister ; car nous sommes limités en force, en temps et en espace. Nous partageons alors la même souffrance que l’arbre. Nous sommes enracinés et statiques sans le pouvoir de notre vouloir. Et plus nous vivons en toute conscience de cela, plus nous en souffrons et languissons. Cette situation-là Dieu ne la connaît pas. Il ne vit pas, mais il existe toujours, car il peut toujours ce qu’il veut, et en ce qui concerne la vie : il EST la vie. Lui, il existe et il est la vie ; et Nous, nous connaissons quelques bribes d’existence et la vie nous est prêtée puis ôtée. Il y a entre ces deux réalités une distance incommensurable. Il m’est impossible d’imaginer l’existence dans laquelle Dieu existe. Je ne peux qu’affirmer la chose suivante avec Paul : Je suis une âme vivante, un corps vivant, et Dieu est un Esprit qui donne vie (cf. 1cor 1545). Je vis. Il existe.
Si je parle de cela, c’est pour renvoyer désormais vers la communication. Car de même que le monde de l’âme-corps où nous vivons ici-bas est totalement différent du monde de l’Eprit, nos modes de communication sont totalement différents de la communication de l’Esprit – de la communication des fils de l’homme entre eux. Ainsi donc, nous communiquons avec les pieds, comme des pieds, et de deux manières : pieds nus ou pieds habillés. L’absolu des pieds nus, c’est le monde de l’instinct ; et l’absolu des pieds habillés c’est le monde de la parole en tant que raison pure. Entre ces deux degrés vient s’immiscer la conscience de l’autre. Sans la conscience, la communication se fait donc ou bien avec de l’instinct pur, ou bien avec la parole pure de la raison immaculée. C’est l’absolu de l’animal ou l’absolu de la machine. L’animal renifle, détecte les mouvements, sonde les sons, goûte la matière ; il veut tout mettre à nu tandis qu’il vit lui-même nu. Il veut une pleine assurance et refuse tout inconnu. Il est donc peur et violence. La machine est elle totalement cryptée derrière un langage logique, elle se cache de toute vie biologique, de tout cet aléatoire du bios, elle est dans l’abstraction pure où tout est prévu, prévisible organisé et sans dynamique de volontés particulières. Elle aussi veut une pleine assurance et refuse tout inconnu. Elle aussi est peur et violence. L’un est le sous-homme, le barbare, le chaud. L’autre est le non-homme, le savant omniscient, le froid. (Je reprends là les deux termes de Néher dans son Faust).
Mais avec l’homme vient le paradoxe. J’ai une vie intérieure et j’ai aussi une vie extérieure. Je suis vivant dans mon intériorité, caché, mais j’existe aussi dans l’extériorité, dévoilé. Je m’habille, mais je peux aussi me dénuder. Paradoxe de distance/proximité, de loin/près. C’est la liberté qui vient avec l’essence de la vie divine en elle : Au commencement est le Vouloir. Cette liberté commence à exprimer son désir d’aimer l’autre sans le posséder, et son désir d’être aimé de l’autre sans lui appartenir. Son désir d’avoir un nom unique, mais de pouvoir le dévoiler à l’autre puis de pouvoir le reprendre, etc. Avec l’homme viennent la fraternité et son paradoxe qui échappe à l’animal et la machine. Dans l’absolu, je dirais, c’est l’absence de dualisme. Il n’y a plus de connaissance du bien et du mal, plus de dialectique du Progrès. Nous sommes dans le jeu, dans l’existence qui se plaît à être et à se partager. Il faut donc faire une synthèse. Synthèse entre l’instinct, la nudité absolue, la fusion, l’épanchement de la communion des corps ; et la parole, le nom, le mystère, le caché et son intimité absolue qui échappent à toute emprise. Cette synthèse, la conscience va s’y coller. Et elle va jouer sur tous les tableaux. Elle va tout mêler dans un imbroglio infernal entre la raison, l’instinct, les nudités, les violences, les non-dits, les trop-dits ; créant ainsi de l’inconscient, du subconscient, du traumatisme, des déchirements de l’âme-corps. La conscience fait venir le monde de l’enfer. Elle essaie de faire la synthèse et ne cesse de se rater. C’est le péché et le monde des dieux. On trouvera dès lors avec la conscience toute l’ombre de ce qui est à-venir et le paroxysme du raté. Le joug est de fer. La conscience veut faire monter sur le trône de l’être cet être de synthèse qu’elle crée, le mi-bête, mi-machine.
Pourtant, quel scandale ! La conscience est le désir de l’Esprit. Car l’Esprit seul peut faire la synthèse. La conscience, elle, fait synthèse entre le sous-homme et le non-homme, entre le chaud et le froid : elle fait un homme-raté, l’homme, c’est-à-dire le tiède. Elle veut le mettre en parfait équilibre dans cette posture. Non existant, mais vivant, parfaitement conscient, vivant son impuissance et plein de conscience, de toute conscience d’être le raté, le fils de l’homme qui n’a pas réussi à naître. La conscience ne peut faire la synthèse autrement car elle n’a que cela en main : la Nature et la Logique. Elle n’a pas en vérité la mission de faire la synthèse, là est le piège. Sa mission est de conduire l’homme à se languir de l’impossible : de l’Esprit. C’est tout le propos de Paul concernant la Loi comme tutrice. L’Esprit, lui a le possible de l’impossible en lui. Il fait la synthèse en engendrant les fils de l’homme. Comment ? Par le sang du Fils de l’homme : par Sa vie donc, en la donnant, en donnant de sa vie. Et ainsi fait-il de l’homme un Esprit-vivifiant. Dès lors, il remet à la périphérie de l’être, hors du trône, comme servant aux possibilités d’incarnation, et l’instinct et la parole ; et sur le trône, il met l’Esprit-vivifiant qui vient de naître, à savoir, la Volonté de l’homme, sa liberté enfin accomplie. Quant à la conscience, il la tue. Son œuvre est achevée. Elle n’a servi que de tutrice, que de tison, de feu, d’épée, afin que l’homme implore l’impossible : l’Esprit, un nouvel être, la Résurrection.
De fait, la communication dans le monde de l’Esprit, je ne sais pas ce que c’est, et je ne peux dire que ce que dit Paul (bien que ne l’ayant pas vécu moi-même) : « Je fus enlevé dans le paradis, et j’entendis des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer. » (2cor 124) Si ici-bas nous communiquons avec les pieds et comme des pieds, il faut savoir que là-bas, les hommes n’ont plus de pieds, mais des ailes pour se mouvoir. Nos continuels mal-entendus charnels pleins de poussière n’ont plus cours lorsque nous parlons avec des ailes. Dernière chose à propos de la communication. Il va sans dire que la communication qui nous fait languir est celle de l’Esprit. Or, l’Esprit doit communiquer avec nous qui sommes tout emprunts de biologie, d’instinct, de raison et de logiques, etc. Il doit donc en quelque sorte sans cesse se sacrifier pour venir à notre niveau. Aussi se plaît-il à la parabole et à une parole qui ne se sert que des blancs entre les mots pour faire entendre son murmure, le murmure de l’Esprit. Sinon, que lui reste-t-il ? L’arme par excellence : lui faire confiance au-delà de tout, ce qu’est la foi seule. Soit donc, si nous n’entendons pas ses sacrifices. Si nous n’entendons pas la parabole, ni même le murmure, et si en plus notre confiance est absente et que nous croyons à la Loi ; et enfin, si nous pensons qu’il communique avec nous, soit par des extases issues de nos fantasmes puisés dans les chimères de la vie biologique, ou encore par la haute science d’une logique théologique – c’est alors que l’Esprit ne nous parle plus et que nous avons fabriqué une poupée de chiffons que nous faisons parler par ventriloquie.
Bien à vous Parmelan, ivsan
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