pdf akklésia Confins Chestov couv
Lev Chestov

1927

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Informations : Un ouvrage peu connu de Chestov et pourtant tout aussi riche que ses autres écrits. Il est ici entièrement accessible aux lecteurs français puisque toutes les citations grecques et latines ont été traduites. Le philosophe nous offre un ensemble de 168 aphorismes en plus de l’appendice ; une lecture à la volée en quelque sorte et qui ne manque pas le but visé : exalter « le déracinement ». Chestov avait d'ailleurs sous-titré l'ouvrage : « L’apothéose du déracinement ».

· [ Pdf relu et corrigé en octobre 2016 ] ·


Retrouvez également la pensée de Léon Chestov dans une sélection d’aphorismes disponibles en pdf :

trackback  Page d’Aphorismes choisis.

Sur les confins
de la vie

extrait

Aphorisme 17, p. 119 & Aphorisme 71, p. 45-46

Depuis que Kant est parvenu à convaincre les gens savants que le monde des phénomènes est quelque chose de tout différent de la vraie réalité, et que même notre propre existence n’est pas une existence réelle mais la manifestation d’une substance inconnue, mystérieuse, la philosophie se trouve engagée dans une ornière profonde et se sent incapable de s’écarter ne fût-ce que d’un millimètre, de la route indiquée par le sage de Kœnigsberg. On peut aller en avant ; on peut retourner en arrière, mais toujours en restant dans l’ornière Kantienne, car comment sortir de l’opposition entre le phénomène et la chose en soi ? Cette thèse demeurant immuable, qu’on le veuille ou non il faut bien passer sa tête dans le collier de la théorie de la connaissance. C’est précisément ainsi qu’agissent sans protester la plupart des philosophes modernes, et même avec un sourire de joie, ce qui fait naître le soupçon qu’ils n’ont en somme besoin que de ce collier et que lorsqu’ils parlent de leur besoin métaphysique, c’est au collier qu’ils aspirent. Car s’il en était autrement, ils devraient protester et se cabrer rien qu’à la seule vue du collier. L’opposition entre le monde des phénomènes et la chose en soi, nous est en effet offerte par la raison ; et c’est aussi la raison qui nous propose la théorie de la connaissance fondée sur cette opposition. Les esprits libres ont donc tous les motifs de se cabrer et de se refuser à marcher. On sait qu’il faut être extrêmement prudent avec le diable : il lui suffit de vous saisir par le bout du doigt pour s’emparer entièrement de vous ensuite. Il en est de même de la raison : cédez-lui ne fût-ce que sur un seul point, admettez ne fût-ce qu’une prémisse, et aussitôt « finita la comoedia ! » Vous ne parviendrez jamais à vous débarrasser d’elle et serez obligés tôt ou tard de reconnaître ses souverains droits… (Partie II, aphorisme 17, p. 119).

Si un homme était venu voir Dostoïewsky pour lui dire qu’il était infiniment malheureux et n’avait plus aucun espoir, le grand peintre des douleurs humaines aurait bien ri probablement dans le fond de son âme de la naïveté de son visiteur. Peut-on avouer de telles choses ? Peut-on se plaindre ainsi et cependant attendre quelque consolation de son prochain ? L’instant où tous nos espoirs nous abandonnent est l’instant suprême, l’instant le plus solennel de notre existence. Jusqu’ici on nous aidait, dorénavant nous serons livrés à nous-mêmes. Jusqu’ici nous avions affaire aux hommes et aux lois humaines, maintenant nous nous trouvons en face de l’éternité, de l’absence de toute loi. Comment peut-on ne pas savoir cela ! (Partie I, aphorisme 71, p. 45-46).