Quand doit
arriver
le Messie ?

AUX CERTAINS

Nous trouvons dans les Évangiles le texte suivant fort énigmatique :

Ils amenèrent à Jésus l’ânon, sur lequel ils jetèrent leurs vêtements,
et Jésus s’assit dessus.
Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur le chemin,
et d’autres des branches qu’ils coupèrent dans les champs.
Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient : Hosanna !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Béni soit le règne qui vient, le règne de David, notre père !
Hosanna dans les lieux très hauts !
Jésus entra à Jérusalem, dans le temple.
Quand il eut tout considéré, comme il était déjà tard,
il s’en alla à Béthanie avec les douze.[1]

Ainsi donc, le Christ entre à Jérusalem, et même dans le Temple ! Puis, regardant autour de lui, comme il était déjà tard, il s’en va, à Béthanie, avec les douze. Quelle déception ! Il y avait là une ribambelle de gens bien intentionnés a priori, ils étendaient même leurs vêtements sur le sol foulé par le Christ, lançant, en veux-tu en voilà, des « sauve-nous, sois béni, gloire… » et patati et patala ! Combien, parmi eux, se sont trouvés dans la foule, toujours à Jérusalem, quelque jours plus tard, vociférant : « Crucifie, crucifie-le ! »

Bref, voulez-vous réentendre les Hosanna, revoir une telle scène d'enthousiasme ? Rien n’est plus simple. Il vous suffit de vous rendre dans les églises et autres conventions du « paganisme chrétien » ; là, une masse de gens crient toujours, plusieurs siècles après, ils crient que le Christ reviendra une seconde fois sur cette terre de misères ; ils crient, instruments électriques à l’appui cette fois, de sorte à faire un raffut bien plus considérable.

Cependant, le Christ ne revient pas, pas même ému par ces hommes désormais capables de rassembler des masses bien plus considérables, et de beugler des Hosanna dans les micros, sur le net et les chaînes télévisées des cinq continents. Et d’ailleurs, le Christ ne reviendra pas sur terre ! La chose est bien dite dans le texte cité plus haut : comme il était déjà tard, il s’en alla à Béthanie avec les douze.

Les Écritures, dès la Genèse, nous enseignent que le jour commence le soir : « il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour. » Ainsi, la venue du Christ a déjà eu lieu. Il y a 2000 ans qu’a commencé ce jour, le jour de sa première et dernière venue ; ce jour a débuté par son entrée dans le Temple, à Jérusalem ; et depuis ce jour, depuis ce soir-là qui marqua le début de ce long jour… le Christ est à Béthanie. Il est dans l’incognito. Car, ceux de Béthanie, ce sont ceux qui savent qu’un autre jour terrestre ne viendra pas : c'est l’aube de la fin du jour qui vient.

Mais cette aube, c’est le même jour ! Ce n'est pas un autre jour. Les gens de Béthanie, de même que l’Esprit du Christ, disent donc aux hommes : « Viens. Viens à Béthanie ; l'aube arrivera pour tous, pour toi aussi, viens donc te réfugier dans l'incognito du Christ, dans les ténèbres de la foi, et quitte cette masse qui claironne dans le ciel, elle qui se croit capable de saisir l'éclair. »

Les gens de Béthanie vont donc vers l’aube, vers cet instant où l’Esprit leur dira personnellement : « Viens ! » C’est-à-dire, « Ressuscite ! L’aube est passée, les jours de la terre et du ciel sont achevés, le septième jour dans lequel tu as persévéré vient de se clore pour toi. Un jour nouveau, sans fin, est arrivé, non sur la terre qui n’est plus, mais dans ma maison, derrière le ciel qui s’est ouvert pour toi. Entre. » Et pour ceux qui claironnent leurs Hosanna me direz-vous, qu’en sera-t-il ? Je ne puis que leur répondre le mot de Franz Kafka :

Le Messie ne viendra que lorsqu'il ne sera plus nécessaire,
il ne viendra qu'un jour après son arrivée,
il ne viendra pas au dernier, mais au tout dernier jour.[2]


Ivsan Otets

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[1] Évangile selon Marc, chapitre 11.
[2] Franz Kafka, Méditations sur le péché, la souffrance, l'espoir et le vrai chemin.

Ce texte est publié dans un recueil de 12 écrits d’Ivsan Otets.

Présentation du recueil : De l’ego à l’incognito [↗︎]