EVTOUCHENKO
De la cité du Oui à la cité du Non
Evtouchenko








LES LONGS CRIS
à Youri Kasakov

Une petite isba sommeille sur la rive.
Un cheval blanc se détache sur le pré noir.
Je pousse de longs cris, tire des coups de feu.
Sans pouvoir arriver à réveiller quelqu’un.

Ah, si le vent pouvait porter mes coups au loin !
Ah, si un chien pouvait seulement les entendre !
Les gens dorment à poings fermés au lieu-dit « Les Longs Cris »,
C’est ainsi qu’on appelle ce coin de rivière.

Ma voix, comme un tocsin, résonnait dans les salles ;
Elle tonnait, puissante, sur les places publiques,
Mais elle était un peu trop faible pour atteindre
Et réveiller les gens de la petite isba.

Car pour les paysans au souffle fatigué,
Qui dorment lourdement, comme s’ils labouraient,
Ma voix, jamais ne sera guère plus audible
Qu’un murmure de pins ou un bruit de roseaux.

Alors, toi l’Orateur ? Alors, toi le Prophète ?
Te voilà égaré, tout mouillé et transi.
Ta cartouchière est vide et ta voix est cassée.
Et la pluie a éteint ton petit feu de camp.

Mais ne t’afflige pas de cette offense amère.
Il y a tant et tant de choses à penser.
Et ce n’est pas le temps qui manque… « Les Longs Cris »
C’est ainsi qu’on appelle ce coin de rivière.