Romain Gary

Une gorgée de Gary
« LA PROMESSE DE L’AUBE »


« …J’ai toujours été très influencé par mes cadets.
Les hommes âgés n’ont jamais eu d’ascendant sur moi, je les ai toujours considérés comme étant hors jeu et leur conseil de sagesse me semblent se détacher d’eux comme des feuilles mortes d’une cime sans doute majestueuse, mais que la sève n’abreuve plus. La vérité meurt jeune. Ce que la vieillesse a « appris » est en réalité tout ce qu’elle a oublié, la haute sérénité des vieillards à la barbe blanche et au regard indulgent me semble aussi peu convaincante que la douceur des chats émasculés et, alors que l’âge commence à peser sur moi de ses rides et de ses épuisements, je ne triche pas avec moi-même et je sais que, pour l’essentiel, j’ai été et ne serai plus jamais. »


•••La vérité meurt jeune osa prétendre Romain Gary.

« Mais la vérité ne meurt pas et ne peut mourir » s’empresseront de répondre curés, pasteurs, imams, rabbins… et leurs chers amis, les scientifiques, pour qui la vérité mathématique aussi est éternelle, elle qui règne sur un trône indestructible…

•••Ha, ha ! Comme le disait si poétiquement Maurice Blanchard : « Je ris avec les fesses »…

•••Vous aussi chers amis, riez donc avec les fesses lorsqu’on vous dit que « la vérité ne meurt jamais », car tout ce qui est vrai doit mourir, et l’amour aussi doit mourir ; c’est Romain Gary qui a vu juste. Il me semble bien plutôt que seul le diabolique ne meurt jamais, et qu’il devient ici-bas un arbre majestueux, serein, à la barbe blanche, plein d’indulgence et dont la sagesse se détache de lui « telles des feuilles mortes » mais incapables de quelque guérison que ce soit ; une sagesse émasculée, ridée et qui a oublié depuis fort longtemps l’audace, l’insouciance de sa jeunesse qui espère l’impossible.

•••Ici-bas, tout ce qui est vrai ne peut que mourir, et cela, de manière volontaire, même si il faut boire la coupe des souffrances ; cette maison de terre ne sied pas la vérité dernière, et aucun lieu proposé ici-bas ne lui donne un repos pour sa tête. Aussi, audacieux et insouciants, la vérité et l’amour préfèrent mourir, et surtout ne pas s’imposer comme régnant, laissant sur ce sol des traces de leurs libertés que les vieilles certitudes ne supportent pas ; les voilà donc à rejoindre un autre lieu que les vérités éternelles ne connaissent pas, et qu’elles sont incapables de rejoindre puisqu’elles ne meurent jamais — ayant fait un pacte da paix avec la mort. En effet, ces pures certitudes ont si peur et tant de rages à préserver leurs trônes de fer et leurs titres de Vérité de Pierre, qu’elles s’y attachent et y trouvent enfin le repos et le confort, tel un mort reposant sur sa pierre tombale, et qui reposera dans sa mort pour l’éternité : vivant sa mort.

Ivsan Otets