DEXTER MORGAN


SÉRIE TV

Dexter série

Le sang ne ment pas pourrait être le slogan de Dexter Morgan. Devenu flic après des études de médecine, il est en effet spécialiste de l’analyse du sang au sein de la police de Miami. Mais pourquoi affirmer que le sang est la vérité ? Simplement parce qu’il est, pour le héros de cette série télé, l’arme par excellence lui servant à démasquer les coupables.
Il y a cependant quelque chose de gênant dans cette passion du sang. C’est le relent amer du dogme de la race pure qui sous-tend tous les épisodes. Nous connaissions le type de flic au grand flair, tels Columbo, ou celui à la volonté de fer, tel que l’Inspecteur Harry, et ceux, très à la mode, qui usent de l’expertise scientifique à n’en plus finir, tels les Experts. Mais l’enquêteur au « sang-seul » est ici fort original. Vous me direz peut-être que je fabule en prétendant discerner dans le scénario l’arrière-goût d’une doctrine de la race pure. Il est pourtant bien question pour ce policier de distinguer le coupable de l’innocent, non plus par ses actes, mais par la nature du sang !

La prise de conscience éventuelle du coupable et l’idée qu’il puisse changer, cela n’est pas envisagé. On nous dit que le coupable est un être irrécupérable, un monstre dont la mort est justifiée. Un être dont l’impureté est impossible à laver. Le mal est dans son sang, dans sa nature. Il est prédestiné à être ce qu’il est sans jamais pouvoir devenir autre. D’ailleurs, l’idée de prédestination des êtres est le fil conducteur de cette série. Une espèce de destin auquel nul n’échappe, un karma déterminé à l’avance fait de l’un, quoiqu’il fasse ou décide, l’être du bien, et l’autre, l’être du mal.

Le ton et donné dès le début avec talent par le thème de la gémellité. Les 2 frères Dexter et Brian sont du même sang, ont la même volonté de tuer, mais l’un est tourné vers le mal et l’autre vers le bien. Le « bon meurtrier » est justifié par la morale, ce qui lui autorisa d’ailleurs à devenir policier. Enseigné par son père qui fut son tuteur, son sang fut donc purifié dès l’enfance par l’enseignement d’un code et de ses préceptes. Cette obéissance parfaite aux lois morales a fait de Dexter Morgan un justicier, un purificateur. Son frère, quant à lui, sans loi et sans père n’a pas été purifié. Il aura le sang impur et sera irrécupérable.

Toute la série est tournée vers cet élan religieux, comme dans l’incognito. Le totalitarisme d’une nature luttant contre une anti-nature va crescendo. Pourtant, voyant combien la justice manichéenne de Dexter Morgan pourrait choquer le téléspectateur, les scénaristes vont sans cesse essayer de convaincre le héros de changer, de rentrer dans le rang. Il se mariera et aura même un enfant. Toujours à la limite de voir démasquer sa vie cachée de justicier sanguinaire, et bien qu’il ne la regrette jamais, étant certain de faire le bien, il va cependant s’épuiser. Aussi tendra-t-il de plus en plus au changement et à la stabilité sociale.
C’est par ce biais que la prédication de l’élection va atteindre son paroxysme. En effet, un Élu ne peut changer, il ne peut résister à l’appel de la Justice. Aussi Dexter Morgan va retomber de plus belle dans sa vocation quasi religieuse. Renversant la situation de soupçon à son égard, les scénaristes vont tuer son épouse pour nous gagner à sa cause, pour que nous réclamions de l’Élu qu’il retourne à son œuvre sans plus jamais se questionner.

Nous voilà bien loin de l’humanité de l’inspecteur Columbo, l’étourdi. Fini son chien de clown et sa voiture d’un autre temps. Fini l’inspiration de sa femme. Fini ses continuelles compassions pour l’homme, même pour le meurtrier. Dexter Morgan est dans un autre monde. Il reflète fort bien ce que nos sociétés sont en train de nous bâtir. Une Justice, non plus seulement mécanique, non plus froide, mais consciemment tournée vers l’idée que juger ne sert plus de punition. Le droit n’est plus là pour élever la conscience du coupable. En effet, la Justice se transforme en un acte naturel par lequel le faible doit mourir. Elle devient totalement dénuée d'âme. Elle se révèle finalement pour ce qu'elle est : une force impétueuse qui ne pense pas et n'œuvre pas pour l’homme, mais pour la nature elle-même. Elle est écologique !

Avec de tels messies, l’humanité n’a plus droit au miracle. Le sang ne ment pas, nul ne peut changer de nature. Il faut éradiquer ceux que l’analyse sanguine déterminera comme races inférieures. Telle est la promesse de ces héros pleins de dextérité, héritiers du nazisme. Ils ont appris à construire leurs camps d’extermination au milieu de nos vies quotidiennes, ils ne s’isolent plus. Ils sont sans honte puisqu’ils sont élus pour que règne la race des justes. — Misère des malheurs misérables.



Ivsan Otets


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